Voilà un album sur la vigilance qu'exigent les relations amoureuses, sur le volontarisme essentiel à leur maintien, sur la grande fragilité de l'intimité, les passages à vide, le déni de la dépendance affective, la nostalgie des situations heureuses impossibles à reconstituer, les inexorables vacillements du déclin affectif, les envies de mort suivant la rupture amoureuse, le doute, la désillusion, l'aide inutile des proches dans de tels contextes, ce destin du coeur sur lequel personne n'a prise.

Qu'est-ce qu'on s'amuse en ce bas monde!

Matt Berninger explore ces brouillards de l'intimité, que perce parfois la lumière. Assurément, nous ne sommes pas au paradis, les relations humaines n'empruntent pas exactement des chemins bordés de roses. Le parolier et chanteur américain nous le rappelle sans détour. Subtilement et sûrement. The National est passé maître dans l'élégance du spleen.

En ce qui a trait à la dimension sonore de ce Sleep Well Beast, les constructions harmoniques et mélodiques s'avèrent assez similaires à ce qu'on connaît de ses concepteurs... de prime abord. Cet enregistrement finit toutefois par révéler son lot de trouvailles instrumentales; on pense notamment à la conclusion rythmique de la chanson I'll Still Destroy You, à l'introduction électronique de la chanson-titre et à son développement parsemé de guitares anguleuses, aux riffs post-punk de Day I Die, aux synthés krautrock de Walk It Back, aux ostinatos de percussion électronique d'Empire Line, au mélange circonspect des lutheries et musiques contemporaines de Guilty Party et de Dark Side of the Gym.

La qualité du texte et des inflexions mélodiques de Matt Berninger, l'expertise post-minimaliste de Bryce Dessner et les contributions harmoniques de son frère Aaron, l'excellence avant-rock de la section rythmique composée de la seconde paire de frangins, le batteur Bryan et le bassiste Scott Devendorf, voilà autant d'éléments qui justifient la chaude recommandation de cet opus.

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INDIE ROCK. Sleep Well Beast. The National. 4AD.