On lui prêtait la moue superficielle d'une femme-enfant, on ne lui prêtait pas de talent et... tout le contraire s'est révélé. Rappelez-vous 2010, 2011, début 2012. D'aucuns l'avaient traitée de vilain petit canard, l'avaient vilipendée, méprisée et... ce fut une totale erreur de jugement. Quatre albums ont démontré qu'Elizabeth Woolridge Grant, alias Lana Del Rey, représentait et représente toujours l'un des cas les plus intéressants de la culture pop en cette époque trouble et complexe. Un de ses paradoxes les plus savoureux.

Et ça se poursuit avec Lust for Life, cinquième opus de la chanteuse.

Romantique, spleenétique, mélancolique, nostalgique d'une Amérique disparue, plastifiée par la chirurgie, aucunement encline au discours féministe, elle est pourtant la principale sinon la seule responsable de sa construction et de son immense succès. Elle en est l'auteure, la compositrice, la coréalisatrice, la directrice artistique, la grande interprète.

Une des grandes forces de Lana Del Rey consiste à opposer la somptuosité mélodique, le faste harmonique des instruments acoustiques (cordes, piano, guitare), et certains arrangements philspectoresques, très pop classique, à des textures synthétiques d'aujourd'hui, des rythmes lourds, des emprunts judicieux aux genres hip-hop ou électro.

Cette fois, elle fait appel à The Weeknd (retour d'ascenseur puisqu'elle a collaboré aux opus Beauty Behind the Madness et Starboy de l'artiste torontois), Sean Ono Lennon, Stevie Nicks, A$AP Rocky ou Playboi Carti pour étoffer 5 de ses 16 chansons. On comprendra qu'elle ratisse large, mais elle le fait très bien.

On observera qu'elle excelle dans la pop transgénérationnelle du début à la fin. On contemplera la cohésion et la singularité de sa proposition faite de références archiconnues. On déduira que tout se passe dans le jeu de ces évidences, tant pour les musiques que pour les mots de ces chansons majoritairement consignées avec Rick Nowels.

Qui plus est, Lana Del Rey nous apprend qu'elle sait rire d'elle-même; des clins d'oeil et rimes plus crues allègent, dédramatisent et excluent tout larmoiement niais. Cela étant, cet album s'inscrit dans une continuité, peaufine ce qui a déjà été mis de l'avant et reconfirme le grand talent de cette pop star dans des paramètres relativement connus jusqu'à ce jour.

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Pop. Lust for Life. Lana Del Rey. Polydor/Interscope.