L’Orchestre symphonique de Montréal présente cette semaine son rendez-vous baroque annuel avec la Passion selon saint Jean de Bach. Un concert d’un rendu généralement très satisfaisant malgré quelques réserves sur certains solistes.

L’OSM a l’excellente habitude depuis plusieurs années d’inviter chaque printemps un chef spécialiste de la musique « ancienne » (grosso modo avant 1800). Après Bernard Labadie, dans La Création de Haydn, l’an dernier, et Paul McCreesh, l’année d’avant dans la Passion selon saint Matthieu de Bach, l’orchestre collabore cette semaine avec le Japonais Masaaki Suzuki, grand spécialiste de la musique du cantor de Leipzig, dont il a enregistré l’intégrale des cantates et de l’œuvre pour orchestre, en plus d’une bonne partie des partitions pour clavier – il est organiste et claveciniste. C’est aussi pour lui un retour dans la métropole après avoir ouvert le Festival Bach de 2022 avec le Magnificat.

On nous a d’abord avertis en début de soirée que le ténor Werner Güra, le seul soliste vraiment connu, qui devait de surcroît assurer l’exigeante partie de l’Évangéliste, était indisposé.

Fort heureusement, son collègue Mauro Peter, à qui étaient confiés les trois airs de ténor, a accepté d’endosser ce rôle, comme il l’avait fait au Concertgebouw d’Amsterdam pas plus tard que la semaine dernière sous la direction de Trevor Pinnock.

On aurait été bien en peine de chercher des signes de fatigue chez le chanteur suisse, qui se tire avec brio de ce double défi. Le ténor, dont la voix fait penser à celle du Canadien Andrew Haji, n’a peut-être pas tout à fait l’abattage scénique – et même vocal – d’un Julian Prégardien (Évangéliste de la Passion selon saint Matthieu d’il y a deux ans), mais le timbre est toujours beau, à la fois chaud et brillant. On aimerait juste qu’il soit un peu moins dans sa partition.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La Passion selon saint Jean de Bach à la Maison symphonique

Un allemand à parfaire

Le baryton allemand Bernhard Hansky a aussi une partie assez importante, celle de Jésus (plus les airs de basse). Le timbre, rond et boisé, évoque celui de Matthew Brook, qui tenait le même rôle il y a deux ans, mais avec une présence moins prégnante. Sa dernière intervention en tant que Jésus, Es ist vollbracht (« Tout est accompli »), aurait pu avoir davantage de gravité.

Même s’il n’est là que pour deux airs, le contre-ténor floridien Reginald Mobley bouleverse par la douceur de sa sonorité.

Le baryton montréalais Geoffroy Salvas fait quant à lui un imposant Pilate, malgré une prosodie allemande à parfaire : on sent peu l’accent tonique des phrases.

La soprano indienne Sherezade Panthaki est d’une autre eau. Son allemand est quelque peu exotique (pas de « h » aspiré dans mein Herze, par exemple), les voyelles un peu indifférenciées, et la voix pas toujours soutenue, en particulier dans les aigus, et parfois chevrotante.

Le Chœur de l’OSM – 22 chanteurs triés sur le volet préparés par Andrew Megill – était idéal, virtuose et juste assez charnu. Idem pour l’orchestre, mené par le premier violon Andrew Wan, avec d’efficaces hautbois, particulièrement sollicités, et une magnifique Mélisande Corriveau à la viole de gambe pour l’air Es ist vollbracht.

Suzuki, qui avait le bras gauche immobilisé par une attelle, est quant à lui resté fidèle à sa réputation, donnant beaucoup de brillant aux turba (les chœurs de foule) et de sensibilité dans les morceaux plus posés comme le Ruht voll final. Le célèbre chœur initial (Herr, unser Herrscher) était toutefois peut-être trop nerveux pour que l’on sente le côté suppliant du texte.

La Passion selon saint Jean sera redonnée ce jeudi à la Maison symphonique à 19 h 30.