L’Orchestre Métropolitain (OM) a dévoilé mardi sa programmation 2024-2025, la 25e avec Yannick Nézet-Séguin comme directeur artistique. Le chef montréalais, qui tenait dans ses choix à souligner cet anniversaire significatif, a répondu à nos questions.

Vingt-cinq ans, c’est tout un mariage ! Entre Bruckner, qui ouvre la saison, et la tournée européenne qui s’annonce en juin, est-ce que c’est une programmation pour célébrer cette longévité ?

C’est sûr que c’est tout un mariage. C’est une saison qui célèbre des jalons de mon histoire avec l’OM, comme la Pathétique de Tchaïkovski, qui a été mon tout premier concert en tant que directeur artistique en 2000, et qui revient en 2025 avant de s’envoler dans une tournée européenne merveilleuse. Les neuf symphonies de Beethoven, c’est aussi un jalon du répertoire de l’OM. Nous l’avions fait en trois jours très concentrés en 2005-2006, c’était un évènement extraordinaire à Montréal, presque unique au monde.

Tout se joue ici est le thème de la saison, et le mot « jeu » n’est pas anodin pour vous : la musique, est-ce d’abord une question de plaisir ?

C’est un titre qui a beaucoup de significations. La question du plaisir de jouer de la musique, c’est quelque chose de très beau. Ça ne veut pas dire que c’est léger ou sans conséquence, mais il y a quelque chose dans le bonheur de créer, même dans les œuvres qui sont plus sombres et qui vont chercher des émotions très dures. C’est un acte qui se fait dans la joie. C’est aussi important pour une programmation de refléter les valeurs d’une institution et mes valeurs personnelles. Je le fais à Montréal et Philadelphie et New York. Tout se joue ici, ça veut dire aussi de donner la place sur les scènes aux femmes, aux artistes autochtones. Pour que tout le monde soit bienvenu dans la musique classique et qu’on puisse avoir un dialogue, qui est aussi intergénérationnel.

Dans cette programmation, on se promène entre des compositeurs connus comme Bruckner et du répertoire négligé comme celui d’Emilie Mayer, qui est considérée comme la « Beethoven féminine ». Tous ces choix font plus que jamais partie de l’ADN de l’OM ?

L’OM l’a toujours eu dans son ADN, mais le crescendo a augmenté dans les précédentes saisons. Il y a un certain équilibre qu’on a atteint entre le connu et le moins connu. Pour moi, c’est une continuité et ce n’est pas une question de mode. En fait, on a été en avant de la parade, avec beaucoup d’engagements envers tous les pans de notre société qui ont été traditionnellement oubliés et mis à l’écart. Et beaucoup de gens ont ensuite embarqué dans ça. On est très fiers d’avoir été en avant, mais ce qui est important, c’est que l’ensemble du milieu a modifié sa façon de programmer et de donner la parole à une diversité de points de vue, et que ça change le paysage musical et culturel de Montréal, du Québec, du Canada, dans le monde. D’ailleurs, notre programme de tournée européenne, on l’amène pour ça. Il y a une commande qu’on a faite à la compositrice autochtone Barbara Assiginaak, du Ravel et du Saint-Saëns, qui font partie de la tradition francophone, et la Pathétique de Tchaïkovski. C’est faire cohabiter le classique et le plus nouveau, et c’est ce qui me passionne beaucoup.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Yannick Nézet-Séguin, ému, après un concert de l’Orchestre Métropolitain aux États-Unis, le 5 mars dernier

C’est pour atteindre cet équilibre que vous avez jumelé par exemple des œuvres de jeunes compositeurs et compositrices pour chaque étape de votre Marathon Beethoven ?

En fait, on a demandé à ces jeunes de réagir aux pièces de Beethoven, pour savoir ce que ça leur disait aujourd’hui. Ces œuvres ont été composées spécifiquement pour aller avec chaque symphonie. Je compare ça au Louvre : c’est extraordinaire, les bâtiments qui composent le Louvre, mais quand il y a eu la Pyramide, cette réaction moderne lui a donné un nouvel éclairage. C’est la même chose pour des œuvres plus contemporaines, qui nous font repenser Beethoven, qu’on croyait connaître.

C’est important d’avoir des invités prestigieux, mais aussi de donner de l’espace aux chefs de l’Académie de direction d’orchestre ?

Les chefs de l’Académie, c’est très important pour nous. Cet engagement n’est pas ponctuel, c’est à long terme, dans la durée. Je pense que c’est très important, la durée [rire], 25 ans, ça le prouve ! Ce sera la quatrième saison, et c’est formidable de voir combien ils se développent, avec mon mentorat et celui des musiciens et musiciennes de l’OM. C’est important de les présenter sur scène à l’occasion, pour que les gens puissent voir ces talents. Aussi, on garde une parité homme-femme dans les chefs invités. Et on invite des gens prestigieux, et on fait faire des découvertes. On a les deux.

D’un projet mis en scène par Lorraine Pintal inspiré par l’Orlando de Virginia Woolf au Petit Prince, de Gilles Vigneault aux concerts de Noël, de la salle Bourgie aux arrondissements montréalais : l’OM a envie d’essayer des choses, de se diversifier, de faire partager la joie de la musique sur beaucoup de plans ?

Oui ! Les ponts avec les autres formes d’art, avec des gens comme Lorraine Pintal, Gilles Vigneault pour sa messe, Le petit prince avec le compositeur Eric Champagne, qu’on refait, ç’a toujours été des projets très OM, mais on les fait passer à la vitesse supérieure. Ce n’est plus l’exception, c’est plutôt la règle. Chaque concert devient un évènement.

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