Ne cherchez pas le nouvel album de Daniel Boucher, À grands coups de tounes Vol. 2, sur les plateformes d’écoute en ligne. Convaincu que ce modèle de diffusion désavantage la chanson d’ici, l’auteur-compositeur-interprète a décidé de l’offrir seulement sur son propre site, moyennant un « danabonnement » de 5 $ par mois.

« J’essaie des affaires. C’est dans ma nature », dit Daniel Boucher, qui vit maintenant à Mont-Louis, en Gaspésie. On l’a rencontré lundi, au lendemain du gala de l’ADISQ, où il n’avait pas mis les pieds depuis très longtemps. « Oui oui, ça va bien », dit-il en riant très, très fort, visiblement fatigué, mais surtout de bonne humeur.

Est-ce que le milieu lui manque ? « Le milieu en tant que tel ? Bonne question. Les amis dans le milieu, les éclats de rire me manquent. C’était l’fun de venir faire un tour. »

Le chanteur fait partie des 170 signataires d’une lettre qui demande à l’ADISQ une meilleure représentation des artistes-entrepreneurs. « Quatre-vingts pour cent des productions sont des autoproductions », souligne-t-il, estimant que la structure de l’association doit s’adapter à la réalité, tout comme le financement. « La SODEC a fait un pas, Musicaction aussi. Mais c’est un métier qui demande de la responsabilité. »

Daniel Boucher s’autoproduit depuis son deuxième album, La patente, en 2004. C’est ce même désir de mener sa barque qui le pousse à essayer le concept des abonnements. Les plateformes comme Spotify, rappelle-t-il, ont été créées « pour des artistes qui ont accès à la planète et qui peuvent générer des centaines de millions d’écoutes ». C’est pourquoi elles ne servent pas bien les artistes d’ici, tant en termes de redevances « insignifiantes » que de découvrabilité.

« Un petit marché comme le nôtre, même si je n’aime pas le mot marché… C’est difficile de reconnaître une goutte d’eau. Il y en a beaucoup, des gouttes d’eau, dans la baie de Mont-Louis ! »

Il ne s’est pas retiré des plateformes pour autant – « ça n’enverrait pas un bon message » – et, à part cette nouvelle sortie, on peut encore y écouter tous ses albums depuis 10 000 matins.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Daniel Boucher

Je ne veux pas bouder. Mais si le système faisait mon affaire, je n’aurais pas mis ça au monde. C’est clair.

Daniel Boucher

Il ne cache pas son excitation devant ce projet qu’il est encore en train d’apprivoiser et qui lui donne envie de se lever le matin. C’est lui qui « chauffe », et il aime ça. « D’habitude, ton album, tu le finis deux mois avant qu’il sorte. Là, tout ce que ça me prend, c’est les fichiers définitifs, et je les mets moi-même sur la tablette quand c’est prêt. C’est ça qui est tripant, tu comprends ? »

Il rêve d’atteindre les 10 000 abonnés et, pour que ça vaille la peine, il offrira sur sa plateforme non seulement tout ce qu’il a produit depuis ses débuts, mais aussi du contenu exclusif comme des captations de ses spectacles, du direct… « Je veux que les gens viennent chez nous. »

Millage

Ce n’est pas parce qu’il vit loin des grands centres que Daniel Boucher travaille en solitaire. On pourrait l’imaginer en train de faire son album tout seul avec sa guitare dans son cabanon, mais ce n’est pas le cas : plein de musiciens y ont collaboré, d’Alex McMahon à Pierre Fortin, et le guitariste Jean-Sébastien Chouinard l’a coréalisé avec lui.

Je ne vis pas là-bas pour être loin des gens. Je suis bien dans le bois, sur la montagne. Je fais toutes sortes de patentes.

Daniel Boucher

Il s’est mis à la menuiserie qui le rend « aussi heureux que la musique », et il a fabriqué son album exactement de la manière dont il rêvait, grâce à la technologie.

« J’étais chez nous dans la montagne, Choui était au studio à Montréal. On se parlait par FaceTime. Il se connectait, prenait possession de mon ordi, je me levais avec mon micro et mon casque et il gérait la session. Comme si j’avais été de l’autre bord de la vitre. »

À grands coups de tounes Vol. 1, qu’il a lancé en 2020, regroupait des chansons qu’il avait d’abord diffusées à l’unité, une fois par mois. Ce n’est pas le cas du volume 2, un vrai album de chansons nouvelles, certaines qu’il a commencées il y a longtemps, d’autres qui sont très récentes.

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Le fil dans tout ça ? « Il n’y en a pas. C’est pour ça que ça s’appelle À grands coups de tounes. Mais je commence à voir des thèmes qui reviennent avec les années, comme le cheminement intérieur, le passage du temps, l’indépendance… Tout ça ! Mais tu pétris ça et tu le ressors à ta façon, avec la couche de confiance de plus. Le millage. »

À 52 ans, Daniel Boucher est dans une « belle passe » de sa vie, et se sent complètement fidèle à lui-même. « Plus proche du milieu », dit-il en montrant sa poitrine. « Mais c’est le travail d’une vie. »

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Il assume tout, à commencer par son plaisir de jouer avec la langue vernaculaire ou d’inventer des mots – juste la lecture des titres de l’album en témoigne, que ce soit Le grand rail de l’astheure ou Je peleurerai.

J’aime ça de plus en plus. C’est un jeu ! Pas un métier, tu sais. On fait de la musique, c’est pour triper. Si c’est plate, tu changes de disque !

Daniel Boucher

Il assume aussi son goût pour la « mélodie sucrée » à laquelle il résistait davantage avant. « Une toune comme En roulant vers Percé… je l’ai acceptée comme elle est arrivée. » Et il s’est éclaté à travailler des lignes de guitare pour créer « dix toiles qui bougent ».

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« La guitare, j’aime ça. Ça me dérange de moins en moins d’être en phase ou pas avec mon époque. De toute façon, c’est quoi, le son de l’époque ? Il n’y en a pas. Il faut arrêter d’essayer de coller à quelque chose d’extérieur. Non, c’est là que ça se passe. » Il met encore la main sur sa poitrine. « La phase ultime, elle est avec toi. »

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À grands coups de tounes Vol. 2

Pop-rock

À grands coups de tounes Vol. 2

Daniel Boucher

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