Le chanteur, auteur-compositeur, guitariste et percussionniste camerounais de 49 ans Blick Bassy revient au Québec dans le cadre du Festival international Nuits d’Afrique après quatre ans d’absence. Cette fois-ci, avec ses visées africaines futuristes.

« Le fait de provenir de la diaspora camerounaise nous permet de confronter les perspectives et cela nous permet de faire le point sur ce qu’on nous a appris. De relativiser avec notre quotidien et de juger de l’état des choses avec ce qu’on a sur la table. »

Expatrié en France depuis 2005 dans un petit village du Sud, près de Saint-Émilion, entre Bordeaux et Libourne, Blick Bassy explique sa vision de l’afro-futurisme.

J’essaie de permettre aux nouvelles générations de se donner des outils : quand on entre en mode créatif, on peut faire ressortir la beauté. Lorsqu’on va à la rencontre de l’autre, on le découvre, on découvre sa tradition, on ne peut que s’enrichir.

Blick Bassy

Cinq albums ont été publiés depuis Léman, paru en 2009, chanté en français, en anglais et en langue bassa, et qui se veut une sorte de carnet de voyage. Son album intitulé 1958, dans lequel il rend hommage à Ruben Um Nyobé, héros de la résistance anticoloniale camerounaise, lui a valu le Grand Prix SACEM des musiques du monde en 2019.

Mádibá, paru cette année, est une ode à l’eau avec ses synthés discrets, sa voix claire et douce, agrémentée de quelques instruments ici et là. Un disque fébrile et émouvant où l’atmosphère continue de vous transporter. Les 12 chansons qui composent l’album sont en langue bassa.

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Au Cameroun, il y a autant de musiques que de tribus, souligne le chanteur. « Il n’existe pas vraiment de son camerounais qui soit unique. La différence entre le Cameroun et le Mali, par exemple, c’est qu’il y a le bambara ; chez les Bassa, la musique est l’assiko. Il n’y a donc pas vraiment de son global camerounais. Mais il y a toujours une danse qui vient avec chaque musique. »

La langue, cette richesse

La langue bassa, parlée par la tribu d’où il vient, est comprise par à peu près 30 millions d’habitants, mais seulement 2 millions la parlent couramment.

Ce sont des choses auxquelles j’ai été confronté étant plus jeune. Quand l’institutrice appelait mon nom, j’avais le cœur qui battait, me demandant si cette fois-ci elle allait bien prononcer.

Blick Bassy

« Accepter la langue de l’autre, c’est lui dire qu’on l’aime, admet Blick Bassy. Bien prononcer le nom de quelqu’un est un geste d’amour en soi. Parler avec un accent peut gêner d’autres personnes. Essayer de faire un effort de venir parler la langue de l’autre. Ce sont les petits gestes qui sont essentiels. »

Plus de 300 langues sont répertoriées au pays de Manu Dibango, le Cameroun. « Pourtant, les deux langues officielles sont le français et l’anglais. Ça fait des gens qui sont complètement déconnectés de leur culture. »

Une musique qui émeut

Douceur et sensibilité, la voix de Blick Bassy a une telle force du grave à l’aigu, une telle identité, qu’elle en arrive à monopoliser l’attention ; dans son chant, des flux d’émotions différentes sont perceptibles.

L’artiste prend aussi le pouls de l’arrivée des nouvelles technologies dans nos vies, comme les réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu. « Ma démarche s’inspire de cette espèce de chaos sonore, je veux aller à l’essentiel, à l’intérieur de l’émotion avec des petites choses qui viendraient la sublimer, apporter des vibrations. C’est le travail que j’essaie de faire. Et le silence fait partie des respirations, comme un petit arrêt avant un nouveau départ. »

C’est le mélange paradoxal d’une musique à la fois riche et minimaliste. « Je vois ma musique comme une construction avec des reliefs pour en constituer un récit. Mais les racines sont toujours là, un mélange de cultures européenne et africaine. »

Blick Bassy est déjà venu au Festival international de jazz de Montréal en 2017, avec un hommage au bluesman de l’avant-guerre Skip James, et une seconde fois en 2019.

Deux musiciens l’accompagnent sur scène pour cette visite. « La technologie est magnifique aujourd’hui, tout se passe en temps réel. En live, explique-t-il, j’ai un micro pour le lead et un micro qui passe par une pédale et fait des harmonies, c’est plus facile à gérer.

« Je crois que ça va être surprenant pour les gens parce qu’avec Mádibá, j’ai changé ma mise en scène. C’est une approche un peu plus moderne, mais qui permet de voir une autre partie de moi, de retrouver ces traditions-là au sein d’autres espaces sonores. »

Blick Bassy sera au Festival d’été de Québec le 12 juillet et au Festival international Nuits d’Afrique le 13 juillet, au Théâtre Fairmount

Le Festival international Nuits d’Afrique débute ce mardi et se tient jusqu’au 23 juillet.

Consultez le site du Festival international Nuits d’Afrique