Angélique Kidjo a chanté avec tout le monde, de Tina Turner à Youssou N’Dour. La plus célèbre chanteuse africaine de la planète revient à Montréal pour lancer le Festival international Nuits d’Afrique.

Il y a du soleil sur Brooklyn, alors Angélique Kidjo est de bonne humeur en ce matin de juin. Elle s’est installée devant son ordinateur en fredonnant « Tutti frutti, aw rooty », le célèbre refrain de Little Richard. « Je suis emportée par son énergie », lance-t-elle, avec un sourire qui ne la quittera jamais longtemps au cours de l’entretien réalisé en visioconférence.

Pimpante, authentique, généreuse, Angélique Kidjo s’est toujours distinguée par son énergie, elle aussi. On devine aisément que c’est le genre de personne qui ne tient pas en place. « Je pourrais passer ma vie en tournée et ça m’irait très bien », confirme la diva béninoise, qui offrira le concert d’ouverture du Festival international Nuits d’Afrique mercredi, au MTelus.

« Chaque fois que je viens [à Montréal], je me marre, je mange bien et je suis en bonnes mains. Je me sens à la maison, quoi, précise-t-elle. Et Nuits d’Afrique est, je pense, un rappel que toutes les musiques viennent d’Afrique. Il faut qu’on s’en rende compte. J’écoute Little Richard et tout y est : il vient du blues et le blues vient d’Afrique. »

Mettre au jour l’influence tentaculaire des rythmes et des musiques de l’Afrique, c’est la mission d’Angélique Kidjo depuis de nombreuses années. Une quête qui s’est notamment incarnée par sa trilogie composée des albums Orémie, Black Ivory Soul et Oyaya !, où elle métissait ses racines africaines respectivement à la musique noire américaine, à celle du Brésil et des Caraïbes.

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Sa curiosité s’affiche nettement au fil de sa discographie. Elle a chanté avec des dizaines d’autres artistes, dont la vedette nigériane Yemi Alade (aussi à Nuits d’Afrique, le 19 juillet), Tina Turner et le Français Christophe Maé, a repris autant Hendrix que les Talking Heads, réinventé le standard Summertime et même le Boléro de Ravel. Angélique Kidjo ne snobe rien ni personne.

« J’ai grandi entourée de musiques de partout dans le monde. Alors quand je me suis mise à en faire, je me suis demandé comment je pouvais redonner un peu de ce que j’avais reçu et que j’avais nourri mon art », dit-elle, pour expliquer la constance des collaborations tout au long de sa carrière.

PHOTO CHRISTINE OLSSON/TT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

En mai, Angélique Kidjo a reçu en Suède le prix Polar Music, aussi appelé le « Nobel » de la musique, pour l’ensemble de sa carrière musicale également marquée par son engagement social. « Mon engagement humain est lié à ma musique, dit-elle. Chaque fois que je vais quelque part, je suis un être humain avant d’être une femme, avant d’être noire, avant d’être artiste. »

De Paris à Brooklyn

Angélique Kidjo, qui vient de recevoir le prix Polar pour l’ensemble de son œuvre et son engagement social (elle soutient notamment des programmes d’éducation et d’entrepreneuriat au féminin), s’était déjà fait un nom au Bénin lorsqu’elle s’est envolée pour la France au début des années 1980. Elle savait qu’elle allait devoir recommencer au bas de l’échelle, mais a été surprise par le fossé entre les deux pays.

Peut-être que j’étais naïve, mais je pensais que l’Afrique était connue en France. Je me suis retrouvée devant des gens qui étaient assez ignorants des pays africains et ne savaient même pas que le Bénin était un pays francophone. Ç’a été une année d’ajustements.

Angélique Kidjo

Même si elle s’est retrouvée à Paris en même temps que des gens comme Salif Keita ou Manu Dibango, à une époque où la capitale française devenait l’épicentre de ce qu’on appelait alors les « musiques du monde », les oreilles de la chanteuse béninoise se sont plutôt tournées vers la culture francophone. « J’ai découvert Jacques Higelin, Bashung, Plamondon, Maxime Le Forestier, énumère-t-elle. J’étais une espèce de junkie de musique. J’écoutais tout ce que je ne connaissais pas. »

Cette époque l’a énormément nourrie. « Ça m’a aussi fait réaliser que la musique est la seule forme d’art qui peut parler aux gens de toutes les couches de la société et permet d’aborder tous les sujets, tous les thèmes, sans violence », ajoute-t-elle.

Angélique Kidjo passe depuis de nombreuses années une partie de sa vie à Brooklyn, dans l’agglomération de New York. Que lui apportent les États-Unis ? Une liberté qu’elle n’a pas spontanément ressentie en France. « Je n’ai pas d’histoire coloniale avec les États-Unis. J’ai tout de suite senti que je n’étais plus l’Africaine de service, explique-t-elle. La dynamique a été tout de suite complètement différente, car je n’avais plus à justifier quoi que ce soit par rapport à mon identité.

« Je me suis installée ici parce que je n’avais plus à justifier mes envies musicales, que je pouvais travailler avec des réalisateurs d’horizons divers qui étaient curieux de comprendre mon approche », précise-t-elle. Et ça s’entend : depuis qu’elle vit à Brooklyn, sa musique, qui faisait déjà fi des frontières, embrasse la planète avec encore plus de générosité. Avec la même énergie contagieuse qu’elle apprécie chez Little Richard.

Au MTelus, le 12 juillet, à 20 h 30

Consultez le site du Festival international Nuits d’Afrique

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PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL NUITS D’AFRIQUE

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PHOTO GREG BRONARD, FOURNIE PAR LE FESTIVAL INTERNATIONAL NUITS D’AFRIQUE

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