Ne serait-ce qu’en raison du statut de Robert Plant, le concert du tandem qu’il forme avec la chanteuse bluegrass Alison Krauss constituait l’une des affiches les plus relevées du Festival international de jazz de Montréal. Les attentes étaient élevées, et le duo a été plus qu’à la hauteur, il a été franchement épatant.

« On est venus vous apporter du jazz sophistiqué », a annoncé Robert Plant, dans un mélange de français et d’anglais après quelques chansons. La remarque se voulait ironique : l’ex-chanteur de Led Zeppelin s’amusait d’avoir été programmé dans un festival de jazz. Il a d’ailleurs renchéri plus tard dans la soirée, disant qu’il ne qualifierait pas ce qu’ils font de « jazz ». « Mais il y a beaucoup de sexe [dans nos musiques], beaucoup de groove », a-t-il nuancé.

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Robert Plant

Non, Alison Krauss, Robert Plant et leurs extraordinaires accompagnateurs n’ont pas fait de jazz. Ni rien qui s’en rapproche. Ils ont toutefois guidé la foule immensément enthousiaste rassemblée à la salle Wilfrid-Pelletier vendredi dans un périple rock aux vastes ramifications, allant du bluegrass au rockabilly, du rock’n’roll pur jus à des envolées quasi mystiques teintées de country.

Ces deux-là ne pratiquent pas un style de musique, ils en pratiquent presque toujours plusieurs à la fois.

Il règne sur les deux disques du tandem une atmosphère nocturne où même les élans rock sont retenus. Sur scène, vendredi, ç’a été complètement autre chose. On a saisi dès les deux premiers morceaux (Rich Woman et Fortune Teller, tiré de Raising Sand) que le concert serait passablement rock. Côté jardin, le guitariste JD McPherson en menait large et lourd. On constate aussi que Robert Plant était en voix.

Après un détour rockabilly (l’entraînante Can’t Let Go), ce fut au tour d’Alison Krauss de s’imposer au micro pour The Price of Love, tirée de Raise the Roof et empruntée aux Everly Brothers, qu’elle a portée de sa voix claire. Maracas en mains, son vénérable acolyte de 74 ans faisait les chœurs. C’est tout de suite après qu’il a fait son premier commentaire sur le jazz, prélude à un classique de Led Zep, Rock’n Roll, bien moins rock que l’originale (intro au violon) et colorée de sonorités orientalisantes.

L’élégance de la communication

Les gens qui étaient venus voir la légende – et ils semblaient nombreux dans la salle – ont été servis : ils ont eu le bonheur d’entendre quelques interprétations relevées, mais toujours habilement réinventées de morceaux de Robert Plant en solo (In the Mood), en tandem avec Jimmy Page (Please Read the Letter) ou avec Led Zep (Gallows Pole et The Battle of Evermore). Sur ce dernier morceau, Alison Krauss, qui a pris en charge les parties incantatoires plus aiguës, a brillé.

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Concert d’Alison Krauss et Robert Plant à la salle Wilfrid-Pelletier vendredi soir

Entre ces deux-là, le courant passe autant sur scène que sur disque. Les voix, surtout celle de Robert Plant, étaient parfois un peu trop à l’avant dans le mix, mais leur communication a été quasi parfaite. L’ancien chanteur de Led Zeppelin a eu aussi l’élégance de se mettre en retrait pour laisser sa partenaire récolter la lumière et les applaudissements qu’elle méritait. Elle fut superbe dans Matty Groves, un air traditionnel.

Soutenus par un groupe soudé et solide, les deux artistes ont offert un voyage musical riche, souvent enlevant, revisitant habilement le passé sans vraiment chercher à faire vibrer la fibre nostalgique de ceux qui ont vécu les années 1970. Que ce soit rock ou pas, c’était puissant, recherché et parfois même envoûtant, comme cette version époustouflante de When the Levee Breaks, joué en fin de programme, avant le court rappel.

Ce n’était pas du jazz, non. N’empêche, Robert Plant et Alison Krauss ont offert un concert du calibre de ceux qui marqueront l’histoire de ce festival.