Reconnue à l’étranger, la petite maison de production Mothland crée le « buzz » dans le ciel (nocturne) du rock alternatif montréalais.

C’est une maison de disques, mais pas que. Une agence de booking, mais pas que. Une entreprise de gérance, mais pas que. Des organisateurs de festivals, mais pas que. Des producteurs de spectacles, mais pas que. Depuis 2020, ils sont aussi aux manettes de la programmation du Festival de musique émergente.

Mais quelle est donc cette bibitte à huit bras qui est en train de créer le « buzz » dans le ciel du rock montréalais ?

Il n’y a pas si longtemps, la maison Mothland était encore dans son cocon underground. Mais sa mutation semble arriver à terme et le papillon de nuit (moth, en anglais) commence à prendre son envol. La petite maison de production, qui vient de célébrer ses cinq ans d’existence, est désormais sur l’écran radar des médias locaux et même internationaux, le magazine français Les Inrockuptibles lui ayant consacré récemment un article favorable.

Lisez l’article des Inrocks sur Mothland

« C’est vraiment l’aide pour la COVID qui nous a donné la poussée finale », explique Jean-Philippe Bourgeois, petite moustache et souliers vernis. 

La PCU nous a permis de travailler 60 heures par semaine et de nous consacrer complètement à notre projet. Ce n’est plus seulement un hobby.

Jean-Philippe Bourgeois

Le genre de musique représentée ? Rock psyché, post-punk, métal hypnotique, électro queer, art-core, dream pop, chanson déjantée, Qrautrock avec un Q…

Mais ne nous demandez pas de vous donner un nom connu. Les 30 groupes et artistes de la « communauté » Mothland sont tous plus ou moins marginaux, plus ou moins radicaux, plus ou moins expérimentaux. Aucune chance de les voir le dimanche soir à Tout le monde en parle. Et ce n’est pas l’objectif, de toute façon.

Chez Mothland, on s’occupe de musiciens pour leur « projet artistique ». On ne vise pas particulièrement le succès commercial, ni le marché francophone d’ailleurs. La majorité des artistes de la maison provient de la scène anglo-montréalaise (Crasher, Priors, Yoo Doo Right), voire torontoise (Gloin), voire de Lettonie (Elizabete Balčus), bien que ses quatre fondateurs soient des Québécois pur jus.

PHOTO PĒTERIS VĪKSNA, FOURNIE PAR MOTHLAND

De Lettonie, Elizabete Balčus fait partie des artistes non canadiens du label Mothland.

« Ce n’est pas un choix. Ça s’est fait de manière naturelle, avec les contacts qu’on avait. La scène francophone est très repliée sur elle-même. Il n’y a pas beaucoup de gens qui travaillent avec des groupes anglophones. On a vu un trou, on a voulu faire le pont entre les deux communautés », explique Marilyne Lacombe, 32 ans, qui a fait ses premières armes comme programmatrice à L’autre Saint-Jean, au parc du Pélican, à Montréal.

« Les plus punk du mainstream »

Underground ? Cela va de soi. Mais n’allez pas croire que la bande de Mothland est anarchique et désorganisée. La première chose qui frappe en entrant dans ses bureaux du Plateau Mont-Royal, c’est à quel point les lieux sont calmes et ordonnés. Pas d’odeur de marijuana, pas de cendriers trop pleins ou de bouteilles vides.

Mothland est pourtant constituée de quatre authentiques « tripeux », moyenne d’âge de 32 ans. Jean-Philippe a joué de la basse et travaillé très jeune dans l’industrie musicale. Philippe Larocque se décrit comme un « drop out », très allumé, ajouterons-nous. Marilyne est une fan de métal avouée et « entrepreneuse » d’instinct. Les deux derniers bras de la bibitte appartiennent à Maxime Hébert, absent lors de l’entrevue mais décrit par ses collègues comme un « poète des demandes de subventions ».

Insatisfaits de l’offre musicale autour d’eux, les quatre « Mothés » (c’est eux qui le disent !) ont décidé de créer leur propre emploi il y a environ sept ans.

D’abord en montant le festival Distorsion (consacré au rock psyché), puis en développant leur agence de booking, qui a elle-même débouché sur la gérance d’artistes, la création d’un autre festival (Tavern Tour) et le lancement de l’étiquette de disques, qui est en train de faire sa place sur la scène « indie ».

PHOTO MARC-ANTOINE BARBIER, FOURNIE PAR MOTHLAND

Le groupe La Sécurité fait partie de la « communauté » Mothland et se produit ce vendredi au Ritz.

Preuve que Mothland tisse sa toile : la maison s’est vu attribuer la programmation du Festival de musique émergente en Abitibi-Témiscamingue en 2020. Un pas de plus vers son établissement à long terme dans l’industrie du disque, même si nos amis, jaloux de leur indépendance, n’ont toujours pas l’intention de s’inscrire à l’ADISQ.

Alors qu’une nouvelle génération de groupes rock émerge à Montréal, Mothland est à la croisée des chemins. Toujours à gauche, un peu au centre. « On est les plus punk du mainstream au Québec, mais on est une grosse business pour la scène punk », résume Philippe, derrière ses lunettes et bras tatoués.

Peur d’être récupérés ? Ils sursautent et frissonnent. « Il ne faut rien tenir pour acquis, tranche Marilyne. Il faut toujours nous rappeler nos valeurs. »

Et Jean-Philippe de boucler : « On va grandir, mais à notre façon… »

Trois groupes de la communauté Mothland se produisent ce vendredi au Ritz à Montréal : PyPy (avec trois anciens membres de Duchess Says), La Sécurité, nouveau combo art-rock, ainsi que Breeze, de Toronto.

Consultez le site de Mothland (en anglais)