Lors de ses passages en 2014 et 2015, Stromae avait littéralement fait sauter le toit du Centre Bell. Il y faisait donc un retour plus qu’attendu vendredi pour présenter le premier d’une série de quatre spectacles à Montréal, après une longue pause et la sortie d’un nouvel album au printemps dernier. Et le chanteur belge le plus célèbre de la planète a été fidèle à sa réputation de bête de scène, même s’il semble un peu plus sage et que son nouveau répertoire réussit moins bien l’équilibre entre la fête et la lucidité.

Parfaitement réchauffés par la plus qu’énergique rappeuse sud-africaine Sho Madjozi, les quelque 14 000 spectateurs se sont levés d’un bond lorsque Stromae est monté sur scène à 21 h. C’est clair, le passage des années n’a rien changé à l’intensité de la relation entre le chanteur et le public montréalais, qui lui a crié son affection pendant toute la soirée.

« Quel accueil ! s’est même exclamé Stromae après la troisième chanson, Tous les mêmes. On était à New York au Madison Square Garden, et ils ne faisaient pas autant de bruit que vous ! »

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La foule enthousiaste réunie au Centre Bell

C’est un spectacle hyper léché qu’a livré Stromae, qui ne passe plus son temps à changer de costume comme avant – en fait, il restera vêtu de la même manière, pantalon pâle, chemise blanche et lavallière rose —, mais qui crée un véritable univers autour de chaque chanson.

Après un petit film futuriste où on voit son personnage animé choisir une destination sur la carte — Montréal ! —, Stromae a commencé la soirée avec Invaincu, hymne au courage et à la résilience, la sienne comme la nôtre.

« Tant que je suis en vie, je suis invaincu », y chante-t-il, ce qui pourrait bien résumer le thème de ce spectacle pendant lequel, comme d’habitude, la lucidité ou la dureté des textes vient se confronter aux rythmes joyeux, qu’ils soient plus proches de l’Afrique, des Caraïbes ou de l’Amérique latine.

En fait, il n’y a que Stromae qui peut faire chanter au public le refrain de la nouvelle Solassitude « Le célibat me fait souffrir de solitude, la vie de couple me fait souffrir de lassitude », le sing along le plus tristounet de l’histoire de la musique. Et ses nouvelles chansons comme Fils de joie réussissent moins parfaitement cette dichotomie qui habite toute sa musique.

Riche ambiance

Mais on ne lui en veut pas trop longtemps, car il sait aussi nous transporter. Dans le diptyque Mauvaise journée/Bonne journée par exemple, plus grave mais vraiment réussi dans son habillage, ou l’incroyable doublé Papaoutai/Ta fête, qui valait le détour à lui seul.

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Stromae et ses musiciens

Seul avec quatre musiciens installés derrière des sortes de lutrins, dans un environnement lumineux riche mais parfois un peu froid qui sied à l’imaginaire futuriste de l’ensemble, Stromae habite la scène comme un roi en esquissant simplement quelques pas de danse. Derrière lui, des projections parfois abstraites, ou des dessins animés qui viennent appuyer le propos ou mettre de l’action.

La dernière ligne droite du spectacle est une montée en force, à partir de Formidable, qui met le feu aux poudres jusqu’à la fin. Riez, dans un univers tout en noir et blanc, L’enfer – puissante chanson sur la dépression et les pensées suicidaires qui a marqué son retour –, C’est que du bonheur, drôle de pièce sur la paternité, puis Santé, qui vient avec sa petite chorégraphie.

Un autre film animé annonce le début d’Alors on danse, qu’il chante entouré de panneaux lumineux flottant dans les airs. Et c’est là, à la fin de son plus grand succès, qu’encore une fois Stromae a réussi à faire sauter le toit du Centre Bell — ou plutôt c’est le public, qui ne voulait plus arrêter d’applaudir et de crier, qui l’a soulevé.

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« Stromae habite la scène comme un roi », écrit notre journaliste.

« Ce n’est pas pour rien qu’on avait fait la dernière captation de Racine carrée ici, au Centre Bell, a lancé le chanteur, soufflé. Vous, en tout cas, vous savez bien accueillir. Vous en voulez une dernière pour la route ? »

La réponse a été oui, bien sûr, et il s’est installé avec ses musiciens autour du micro pour une version a cappella de Mon amour, qu’il avait chantée plus tôt en soirée. Dans le silence complet qu’il a réussi à imposer aux 14 000 personnes suspendues à ses lèvres, toute l’essence de Stromae était là, le rythme de rumba congolaise, les paroles douces-amères, le plaisir de chanter, la communion.

La fin n’en a été que plus abrupte, en espérant qu’il ne mettra pas un autre sept ans avant de revenir.