(Rio de Janeiro) Grâce à sa voix cristalline et à son charisme, la chanteuse brésilienne Gal Costa, décédée mercredi à l’âge de 77 ans, a été élevée au rang de muse éternelle du tropicalisme.

Avec sa chevelure brune abondante et son sourire ravageur, elle a donné un charme tout particulier aux chansons de son ami Caetano Veloso, de Tom Jobim, Chico Buarque, Milton Nascimento et bien d’autres compositeurs, tout au long de sa carrière.

Gal Costa est entrée dans la légende de la musique populaire brésilienne avec ses interprétations de Baby, Chuva de prata ou Divino maravilhoso, et une trentaine de disques enregistrés.

Durant son adolescence à Salvador de Bahia, elle a fait des rencontres qui l’ont marquée à vie : Caetano Veloso, sa sœur Maria Bethania et Gilberto Gil, artistes bahianais qu’elle a ensuite suivis à Rio de Janeiro dans les années 60.

« Gal est venue de Bahia, comme moi, pour tenter de devenir chanteuse professionnelle. Elle n’a jamais rien voulu faire d’autre », raconte Caetano Veloso dans son livre Verdade Tropical (Vérité tropicale).

C’est en duo avec lui que Gal Costa a lancé son premier disque, Domingo, en 1967.

L’année suivante, elle a pris part à l’album collectif qui allait révolutionner la musique brésilienne : Tropicalia ou Panis et Circensis, le point de départ du tropicalisme, qui prône l’ouverture culturelle et l’universalité de la musique.

Avec Caetano Veloso, Gilberto Gil, Tom Zé et le groupe Os Mutantes, elle a chanté dans plusieurs titres de ce disque iconique de la contre-culture qui mélangeait samba, bossa-nova, jazz et rock psychédélique. 

En 1969, Caetano Veloso et Gilberto Gil ont dû s’exiler à Londres après avoir été arrêtés par le régime militaire.

Gal Costa, elle, a assuré n’avoir jamais subi d’interrogatoire durant la dictature (1964-1985), même si la pochette de son disque India (1973), qui la montre seins nus, a été censurée.

Vocation précoce

PHOTO NELSON ALMEIDA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le 17 juin 2008, Gal Costa chante lors d’un match de qualification entre le Brésil et l’Argentine, dans le cadre de la Coupe du monde de 2010, au stade Mineirao, à Belo Horizonte, au Brésil.

Née à Salvador le 26 septembre 1945, sous le nom de Maria da Graça Costa Penna Burgos, elle aurait vu naître sa vocation pour la chanson alors qu’elle était encore dans le ventre de sa mère…

Enceinte, Mariah Costa Penna, surnommée « Dedé », collait un petit transistor sur son ventre, pour que sa fille s’imprègne de la musique.

« Ma fille, tu seras une grande chanteuse », disait-elle, selon Tom Zé, son voisin durant son enfance.

« Quand elle est sortie de ce ventre, elle est venue avec cette voix prédestinée », a-t-il ajouté.

Intuitive et autodidacte, Gal Costa n’a jamais pris la moindre leçon de chant. Sa plus grande influence : Joao Gilberto, le père de la bossa-nova décédé en 2019, lui aussi bahianais.

Un jour, après une audition improvisée, il lui a dit : « tu es la plus grande chanteuse du Brésil ».

Avec son timbre de voix doux et montant très haut dans les aigus, elle est devenue la muse du tropicalisme. 

Elle a même été comparée à Janis Joplin en raison de sa sensualité rebelle en pleine dictature.

Sa présence sur scène, ses tenues colorées et parfois provocantes, sa coupe afro dans les années 1970, l’ont érigée en sex-symbol, loin de l’image de l’adolescente timide de ses débuts.

Réinvention permanente

PHOTO TIZIANA FABI, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

En février 2008, Gal Costa chante sur la scène du Ariston Theatre à Sanremo, dans le cadre du 58e Italian Music Festival.

Après le tropicalisme, Gal Costa n’a pas hésité à changer de registre, de l’interprétation de chansons de samba classiques du carnaval au rock, à la soul, au disco, sans compter les génériques de « telenovelas ».

Durant la pandémie de coronavirus, elle a célébré ses 75 ans avec un concert retransmis en direct sur YouTube.

Lauréate d’un Grammy latino en 2011, Gal Costa a toujours été engagée, notamment dans la cause féministe, bien qu’elle soit demeurée discrète sur ses convictions politiques.

Cela ne l’a pas empêchée de critiquer fortement la politique culturelle du président d’extrême droite Jair Bolsonaro.

Elle est parvenue à maintenir sa vie privée loin des projecteurs, mais a surpris ses fans en 2021 en publiant sur les réseaux sociaux une photo de son fils adoptif Gabriel, le jour de ses 16 ans.

La chanteuse a révélé par la suite qu’elle ne pouvait être enceinte, mais qu’elle avait décidé d’adopter en 2007, à plus de 60 ans : « Il m’a donné beaucoup de vie, j’ai rajeuni grâce à lui ».