Ça nous arrive quand on y croit, nous a un jour promis, de sa voix roucoulante, un jeune artiste québécois. Et il ne nous avait pas menti : après avoir dû déplacer sa rentrée montréalaise d’avril à septembre, parce qu’il avait attrapé le virus que vous savez, Mario Pelchat a amorcé ce week-end Comme au premier rendez-vous, la tournée célébrant ses 40 ans de carrière.

« C’est un soir de pluie, on se quiiiiiiitte… » Choix audacieux, risqué, que seul un artiste ayant confiance en la solidité de son lien avec son public peut s’autoriser. Vêtu d’un long trench beige, le look idéal pour être triste sous l’averse, Mario Pelchat a amorcé son spectacle, samedi au Théâtre St-Denis, en interprétant, d’abord depuis la coulisse, Pleurs dans la pluie, le plafond de la chapelle Sixtine des chansons de karaoké. Imaginez les Stones se délestant d’emblée de Satisfaction.

Choix risqué ? Certes, mais risque bien calculé, constatera-t-on rapidement, tant notre hôte nous a rappelé durant les deux heures suivantes à quel point son catalogue est généreux en refrains puissants. Il n’en était vraiment pas à son dernier cri.

Accompagné de neuf musiciens (dont un quatuor de cordes), le chanteur, producteur et viticulteur a alterné entre les pièces récentes et les incontournables que sont Perdu l’envie d’aimer, Voyager sans toi et Ailleurs, celle-ci réimaginée dans une élégante version acoustique.

Chacune des réinventions de ses immortelles (le clavier très Final Countdown de Quand on y croit jouée par des violons) leur insufflait d’ailleurs une salutaire vie nouvelle, un filon que Pelchat gagnerait à explorer davantage, les arrangements d’origine de ses classiques accusant parfois leur âge.

Présenté tôt dans la soirée, un pot-pourri de quelques tubes des trois chanteurs anglophones préférés de sa mère — Tom Jones, Elvis Presley et Engelbert Humperdinck (ou Ange-Albert en Pouding, comme le disait Raymonde) — permettrait au p’tit gars de Dolbeau de se raconter à travers son choix de répertoire, un parti pris biographique auquel tout ce tour de chant souscrit.

Toujours très transparent malgré son irréprochable professionnalisme, Mario Pelchat peine à cacher que certains de ses morceaux lui procurent plus de plaisir que d’autres, ce qui est manifestement le cas de Je n’t’aime plus, dans laquelle il mord comme si la rupture dont elle témoigne était survenue hier, ou À juste raison, succès souvenir aux accents new jack swing. Mais, après avoir beaucoup mis en valeur, au cours des dernières années, le legs des autres (Bécaud et Aznavour), le vétéran semble enfin avoir retrouvé l’envie d’aimer ses propres mélodies.

La musique où les chagrins n’existent pas

La patronne de l’auteur de ces lignes lui a demandé la semaine dernière comment il pouvait être à ce point enthousiaste à l’idée d’assister à un spectacle de Mario Pelchat, alors qu’il a 36 ans et que les admirateurs de Mario Pelchat sont en général des admiratrices coiffées de jolies têtes blanches — des matantes, dit-on parfois avec condescendance.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Mario Pelchat au Théâtre St-Denis

Réponse : il y a quelque chose de profondément consolateur, mais aussi de purgatif, dans l’œuvre de Mario Pelchat, où toutes les émotions, surtout les plus intenses, sont non seulement permises, mais également accueillies. S’il ne met plus autant de crémage sur chacune de ses interprétations, un cliché auquel le réduisent ses parodistes, sa voix est à elle seule une invitation à ne pas avoir honte des élans les plus tempétueux de son cœur.

Aujourd’hui âgé de 58 ans, Mario Pelchat a amorcé sa vie artistique précocement, en suivant les traces de René Simard, puis s’est réinventé en objet de désir pour les adolescentes du Québec à la fin des années 1980, avant de revendiquer en 1993 le titre de roi de la power balade. L’homme qui prenait la scène du St-Denis samedi conjugue désormais la classe d’un artiste de variétés à la Michel Louvain, la suavité d’un Michael Bolton et la prestance d’un chanteur français comme Michel Sardou, que sa mère lui a fait découvrir adolescent, alors qu’il se défonçait les oreilles au son de Led Zeppelin.

Quand l’un de nous, écrite dans la foulée de la mort de sa maman, a d’ailleurs procuré à ce spectacle un des plus purs moments de recueillement. Bien qu’il soit reconnu pour sa grandiloquence, Mario Pelchat est visiblement aussi capable de sobriété.

Étonnamment cohérent, d’un bout à l’autre, son répertoire — c’était l’évidence samedi — martèle quelques messages simples, mais fondamentaux, articulés autour d’une foi en quelque chose de plus grand que nous, devant lequel il faut avoir l’humilité de s’incliner, ainsi qu’autour d’une conception de l’amour comme seule raison de vivre, comme « seule vérité ».

Le geste même de chanter demeure un de ses grands sujets : son premier album paru en 1982 s’intitulait après tout Je suis un chanteur. Geste qui semble être toujours pour lui, 40 ans après avoir poussé sa première note, le meilleur moyen d’accéder à ce pays où les chagrins n’existent pas.

Comme au premier rendez-vous, en tournée partout au Québec

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