Mat Vezio connaît beaucoup de succès en Europe avec son deep folk dont lui seul a le secret et qu’il utilise cette fois-ci pour aborder le thème plus personnel des migrations. Entrevue avec l’auteur-compositeur-interprète pour la sortie de son troisième album, Couleur ciel ecchymose.

Mat Vezio se souviendra toujours du matin de l’an 2000 où il lavait les toilettes du restaurant Giorgio de Laval. « J’avais mon baladeur et Jorane présentait son album 16 mm en entrevue à la radio. Ça m’a vraiment marqué », raconte-t-il.

« C’est là que j’ai commencé à me laisser aller en jouant avec les sons. »

À cette époque, Mat Vezio maîtrisait déjà la batterie et son frère enregistrait ses poèmes mis en musique, mais il n’aspirait pas à une carrière de musicien.

Quelques années plus tard, Mat Vezio a vécu à Paris – une période très marquante de sa vie. Il avait un petit boulot de matelot sur un bateau-mouche quand il a reçu d’un patron – qui voulait s’excuser d’un épisode de furie – un album qui allait l’inspirer encore aujourd’hui : Either/Or de feu Elliott Smith.

À son retour à Montréal, Mat Vezio s’est mis sérieusement à la musique. Comme batteur ou multi-instrumentiste, il a accompagné un paquet d’artistes, dont Mille Monarques, L’Indice, Feathership, Laura Sauvage et Dany Placard.

J’ai calculé que j’ai enregistré plus de 60 albums comme batteur. Mais à un moment donné, ce n’était pas assez pour m’exprimer.

Mat Vezio

Mat Vezio a alors loué le studio de Navet Confit pour voir le potentiel de ses propres chansons et il a vécu une sorte de catharsis.

Sa carrière solo a ensuite pris son envol : sous contrat avec Simone Records, il a confié à son ami Antoine Corriveau la réalisation de son premier album, Avant la mort des fleurs cueillies, qui a connu un grand succès d’estime à sa sortie en 2017.

De l’aveu de Vezio, son premier album était plus rock, alors que le deuxième, Garde-fou – réalisé par Navet Confit –, était plus coquet, avec des arrangements de cordes signés Guido Del Fabbro. « Couleur ciel ecchymose est comme un équilibre entre les deux », indique celui qui signe la réalisation de son troisième opus.

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Chanter ses mélodies

Le lien avec Jorane ? Mat Vezio crée ses mélodies dans des sortes de déambulations vocales.

« Je suis un autodidacte. Quand je compose une chanson, je joue deux ou trois accords en loop et je laisse aller ma mélodie dans une espèce de langage inventé, explique-t-il. C’est après que je mets du texte sur cette phonétique-là. »

Contrairement à Jorane, Mat Vezio n’a jamais osé dévoiler son chant sans mots. Il le fait toutefois pour une première fois, mais de façon subtile, sur une chanson de son nouvel album – la plus légère du lot – enregistrée avec son ami Antoine Corriveau.

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Cette façon instinctive de composer explique sans doute le flair mélodique de Mat Vezio, ses arrangements sans complexes (cordes, électro, piano) et la raison pour laquelle il excelle dans le genre dont il s’est approprié le nom après l’avoir lancé en boutade : le deep folk.

Avant la pandémie, sa plume a par ailleurs attiré l’attention d’une grande chanteuse française dont on doit taire le nom. Leur collaboration n’a pas abouti, mais Mat Vezio a constaté que les trois chansons qu’il avait proposées à la star pouvaient constituer le thème de son troisième album.

« J’avais beaucoup écrit en avion et il y avait le thème de la migration des oiseaux », expose-t-il.

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Calmer sa rage

Mat Vezio s’est intéressé à la perte des repères, aux allers-retours des souvenirs et au besoin de se poser. Dans la chanson Molise – aux arrangements new wave exquis –, Mat Vezio évoque ses grands-parents immigrants qui l’ont quitté trop tôt et le lien perdu avec ses origines italiennes.

Sur la pièce guitare et voix Albert, où Mat Vezio pourrait passer au micro pour un Stéphane Lafleur, il s’adresse plutôt à son fils. « Si jamais je pars plus vite que prévu, serre ta colère dans tes bras », lui chante-t-il.

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Mat Vezio a eu l’image de la « couleur ciel ecchymose » pendant la rédaction d’un roman – toujours en cours – dans lequel il aborde le thème de la violence conjugale à travers les yeux d’un enfant.

Mat Vezio n’a rien vécu de tel, mais il a vu la violence de trop près – et avec des séquelles post-traumatiques – quand il a voulu bêtement récupérer le téléphone que deux personnes avaient volé à son ami.

Lost River, un volcan tranquille électro de huit minutes dans lequel brille la rappeuse Fab (Random Recipe), évoque justement le sentiment de vouloir se sortir d’une situation intenable avec une soif de vengeance (en l’occurrence un viol dans la chanson).

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Si le deep folk de Mat Vezio provient parfois d’une certaine rage et d’un côté sombre, sachez que l’espoir point à l’horizon dans ses chansons.

Matt Vezio a la voix d’un oiseau qui se sent libre après avoir battu de l’aile, et qui se pose en se laissant instinctivement porter par la mélodie.

Mat Vezio doit justement s’envoler ce samedi pour la Belgique où il doit donner des spectacles. On lui souhaite bon vol.