Quatre ans après la fin de Rush et deux ans après la mort de son batteur et ami Neil Peart, Alex Lifeson est de retour en selle. À 68 ans, le chevalier de l’Ordre du Canada et membre du Temple de la renommée du rock’n’roll aurait pu choisir de se la couler douce en jouant au golf – il en raffole. Mais la musique l’a rappelé à l’ordre pour l’amener là où on ne l’attendait pas, dans l’audacieux sillage tracé par la jeune chanteuse Maiah Wynne.

Avant de commencer, un avertissement est de mise : Envy of None n’est pas la réincarnation de Rush. « Au contraire, c’est vraiment libérateur comme projet », répond Alex Lifeson quand on lui demande s’il a eu de la difficulté à se défaire des vieux réflexes acquis au sein de la formation canadienne pendant 45 ans.

« Ça appartient au passé, et je vis dans le présent, c’est parfait comme ça. Et je pense aussi que ça me permet d’être davantage un compositeur qu’auparavant, à l’époque où je me contentais principalement de plaquer de gros accords – c’est peut-être aussi parce que je suis aujourd’hui moins bon guitariste ! », soutient en rigolant Alex Lifeson, Zivojinovic de son vrai nom.

Lifeson n’a certainement pas moins de talent, mais il met dorénavant son instrument au service d’un rock résolument moderne, planant, avec des touches électro affirmées, à quoi s’ajoute un petit tranchant post-prog pour définir l’ambiance générale.

Sans trop d’attentes et à distance

Projet pandémique s’il en est, Envy of None a pris forme entièrement à distance, sur des fondations posées sans trop d’attentes quelques années auparavant. « J’ai rencontré Andy Curran [bassiste et producteur] à l’occasion d’une séance virtuelle de tutorat que j’avais remportée dans un concours, explique de son côté Maiah Wynne. Nous avons parlé de l’industrie musicale, j’avais des tonnes de questions à poser. C’est alors qu’il m’a montré quelques chansons sur lesquelles il travaillait, j’ai offert de chanter quelques bouts de texte, c’était une collaboration très authentique dès le départ. »

En fait, les pièces proposées par Curran avaient d’abord été bidouillées avec le guitariste et programmeur Alfio Annibalini, Alex Lifeson ajoutant pour sa part quelques lignes de guitare ici et là. « J’ai fait ça avec Andy simplement pour lui donner quelques références, nous apprend Lifeson. C’était un simple coup de pouce donné à un ami, il n’y avait aucun plan d’en faire un disque. Mais quand Maiah est arrivée, le projet a pris une tout autre tournure, ça a vraiment changé profondément ce que nous avions commencé à créer. Tout s’est alors mis en marche, on s’est mis à écrire de façon sérieuse, tout le monde a voulu participer au projet. »

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C’est ainsi qu’Alex Lifeson a lui-même ajouté quelques chansons qu’il avait en banque – y compris Western Sunset, ballade folk instrumentale écrite en hommage à Neil Peart, mort en janvier 2020 d’un cancer du cerveau. Tout ce beau monde a travaillé sur différentes parties de chansons, envoyées de façon virtuelle.

C’était génial de voir les idées voler comme ça dans tous les sens, on pouvait bâtir à tour de rôle sur les idées des autres.

Alex Lifeson

« On avait la liberté de travailler individuellement à partir des idées d’un autre, mais on arrivait aussi à ressentir ce que chacun avait en tête, poursuit Alex Lifeson, si bien que l’on pouvait danser avec l’écriture des autres, en arrivant à jouer avec nos différences. Ça nous a permis de grandir, c’était vraiment énergisant. »

Loin d’être intimidée par des musiciens d’une telle stature, Maiah Wynne s’est au contraire sentie appuyée pendant toute la démarche, si bien que c’est sa voix chaude qui définit l’essence d’Envy of None. « La musique n’a pas d’âge ni de paramètres, peu importe quelles sont nos influences, soutient la jeune chanteuse américaine de 25 ans. On a puisé du côté de l’euro pop jusqu’au country, j’ai eu tellement de plaisir à explorer différents univers vocaux, avec toutes sortes d’harmonies et de textures, c’est comme si je dansais avec les guitares, c’était vraiment inspirant. »

Après presque 50 ans de carrière, Alex Lifeson dit quant à lui avoir trouvé sa muse.

La voix de Maiah est unique, sa performance surplombe la musique. Peu importe qu’il s’agisse de country ou de rock industriel, il y a toujours quelque chose qui se passe quand on entend sa voix.

Alex Lifeson

La prochaine étape naturelle serait de voir et d’entendre Envy of None sur scène – les musiciens n’ont encore à ce jour jamais joué ensemble. « On ne peut pas trop planifier, affirme Alex Lifeson. Si le disque va bien, on va certainement penser faire des spectacles. Sinon, on va rester à la maison et on va faire un autre album ! »

« Si vous voulez des spectacles, achetez le disque ! », recommande en ricanant Maiah Wynne.

Envy of None

Envy of None

Envy of None

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