Jean-Pierre Ferland lance vendredi un album dans lequel il réinterprète certains de ses plus grands succès, accompagné de musiciens vedettes comme 2 Frères, Angèle Dubeau et Tony Levin. Nous sommes allés le rencontrer chez lui, question de savoir comment il va après un an de pandémie.

« J’ai ri deux fois cette année. La première fois, c’est quand le premier ministre Legault a cité ma chanson Envoye à maison à la télévision. La deuxième, c’est quand je me suis fait vacciner. »

Nous sommes assis dans une pièce lumineuse de sa maison de Saint-Norbert, dans Lanaudière — à distance bien sûr, et avec couvre-visage. Mais Jean-Pierre Ferland, toujours aussi chaleureux, est content de nous voir : c’est lui qui est venu ouvrir la barrière pour nous laisser entrer sur son terrain un peu plus tôt. Il est apparu au bout du chemin, avançant lentement pour ne pas glisser, et nous a accueillis joyeusement lorsque nous sommes descendus de nos voitures.

« Là, c’est la grange. Elle est neuve, la vieille s’est écroulée sous la neige il y a deux ans », nous indique-t-il en marchant. Mais pour répondre à la question que tout le monde se pose : Jean-Pierre Ferland n’a plus de chevaux depuis quelques années. Trop cher, trop d’entretien.

Après la séance de photos pendant laquelle sa conjointe, Julie Anne Saumur, le couve du regard, on s’installe enfin pour l’entrevue. L’auteur-compositeur-interprète de 86 ans, 87 le 24 juin, sort les feuilles de notes qu’il a préparées. Il y a indiqué les noms des musiciens et les titres des chansons qui y sont associés — parce que, parfois, les choses s’emmêlent.

On ne peut s’empêcher de lui demander comment il va. « Ça va très bien. Mais ç’a été très triste. Ç’a été épouvantable, ce COVID-19-là. Tellement que ça s’est répercuté jusque dans ma voix sur mon disque. »

C’est quand il a écouté les enregistrements qu’il a réalisé que la tristesse qu’il a ressentie pendant l’année se reflétait dans sa voix.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Jean-Pierre Ferland, chez lui, à Saint-Norbert

Quand je me suis entendu, j’ai dit mon dieu, j’ai donc beaucoup de gravelle dans la voix ! Je ne m’en rendais pas compte et ce n’est pas ça que je voulais, parce que je n’en voulais pas, de cette tristesse. Mais c’est comme ça que j’ai chanté.

Jean-Pierre Ferland

C’est clair, Jean-Pierre Ferland a trouvé l’année difficile. Il n’a vu personne, et la neige abondante l’a empêché de sortir se promener. « J’ai trouvé le temps long, c’est certain. J’étais disposé à être malade… mais je ne l’ai pas été ! J’ai fait du bricolage, j’ai beaucoup regardé la télévision. »

L’idée d’un album a germé dans la tête de son agent, Paul Dupont-Hébert, dans le courant de la pandémie. « Il m’a dit : “Viens, on va faire un disque.” Je lui ai dit : “Dans des conditions semblables ?” Je ne croyais pas que ça tournerait comme ça, que ce serait tellement amical. Tout le monde a été d’une générosité formidable. »

Avec son équipe, il a choisi parmi les quelque 300 chansons de son immense répertoire lesquelles il voulait reprendre, et les musiciens avec qui il avait envie de chanter. Son complice de longue date et chef d’orchestre André Leclair, qui a réalisé l’album et les orchestrations, a préparé un arrangement de base, sur lequel il a d’abord chanté seul en studio. Les musiciens invités ont ajouté leur touche par après.

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« On a procédé à l’envers et ce n’est pas plus mal ! » Le résultat, tout en sobriété et parfois émouvant, donne en effet à son répertoire un aspect mélancolique qu’on ne lui connaissait pas. Lui-même en est conscient. « Sur Maman ton fils passe un mauvais moment, je le sentais pour vrai, je parlais à ma mère pour vrai ! Mais ce sont les musiciens qui m’ont apporté cette délicatesse. Ils savaient que je trouvais ça difficile et ils m’ont protégé, d’une certaine façon. »

Jean-Pierre Ferland reprend sa liste et n’a que des bons mots pour le talent de chacun : Florence K, 2 Frères, Jorane, Angèle Dubeau, Bruno Pelletier, Lynda Lemay, Luc de Larochellière, son amoureuse Julie Anne, Mélissa Bédard, le bassiste Tony Levin, qui avait joué sur Jaune, album mythique dont on a célébré les 50 ans l’automne dernier. « Il a joué Le petit roi, et ça sonnait… Sa couleur musicale était tellement belle, on l’a gardé pour trois pièces ! »

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Mais on sent qu’il est surtout fier de son duo avec Gilles Vigneault sur Avant de m’assagir, qui clôt l’album.

« Je l’ai appelé et il m’a dit : “Oui oui, je vais le faire !” C’est bien rare que quelqu’un de sa valeur chante la chanson de quelqu’un d’autre. J’ai été touché qu’il accepte et toute ma vie je m’en souviendrai. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour lui. »

Leur version, parlée et non chantée, est proprement bouleversante. Tellement que cette chanson écrite il y a plus de 30 ans prend aujourd’hui un peu la forme d’un testament.

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« Pourtant, c’est la chanson la plus heureuse que j’ai écrite ! », lance Jean-Pierre Ferland. Tout le processus, dit-il, lui aura permis de redécouvrir ses chansons. « Je n’en reviens pas qu’elles parlent toujours », lance Jean-Pierre Ferland, qui n’a pas beaucoup écrit au cours de l’année.

Ce temps était tellement tristouille, je n’ai pas travaillé. J’aurais fait des chansons tristes, alors que là, je faisais, triste, des chansons !

Jean-Pierre Ferland

Ce qui lui fera retrouver le sourire, en plus de la sortie de cet album, c’est la reprise des spectacles. Il devait commencer une tournée intime en 2020 avec Julie Anne Saumur et André Leclair, qui a évidemment été annulée à cause des mesures sanitaires. « J’ai hâte de le faire, ce spectacle, en plus il est très comique ! »

« Je suis prêt à mettre les deux pieds sur scène et avoir un plaisir fou. Quel beau métier. On est chanceux. »

IMAGE FOURNIE PAR TANDEM

Je n'veux pas dormir ce soir, de Jean-Pierre Ferland

Chanson
Jean-Pierre Ferland
Je n'veux pas dormir ce soir
Tandem
En vente le 26 mars en numérique et le 16 avril en physique