Moins connu dans les centres urbains, le chanteur country Irvin Blais, pourtant une véritable vedette populaire au Québec, vient de lancer son 14e album en 18 ans. Le tour du phénomène, avec le principal intéressé.

Le début

Au début des années 2000, Irvin Blais, alors dans la jeune trentaine, est en train d’économiser pour acheter un quatre-roues, mais il décide plutôt d’utiliser cet argent pour se payer un CD. « Ma femme a dit quoi ? Je lui ai répondu que j’avais toujours rêvé d’écrire des chansons », nous raconte le chanteur joint à Sept-Îles, où il habite depuis 30 ans. Irvin Blais lance son premier album en 2003, La route des baleines, composé uniquement de chansons originales et non de reprises, comme c’est souvent le cas dans le monde du country. « Et ça a pogné ! Après je me suis mis à écrire le deuxième, Chérie je t’aime, et je n’ai plus arrêté. » Sur ce deuxième album figure entre autres la chanson Le chantier, qui est devenue l’hymne des Acadiens du Nouveau-Brunswick partis travailler à Fort McMurray. « Même que les gens pensaient que c’était ça, le titre de la chanson ! Ça m’a ouvert les portes des stations de radio en Gaspésie et au Nouveau-Brunswick, c’était l’enfer. » C’est ainsi que, chanson par chanson, festival par festival, de l’Abitibi à la Gaspésie en passant par le Saguenay–Lac-Saint-Jean, Irvin Blais est devenu une star du country — et une star tout court. Certains de ses clips récoltent plus de 2 millions de vues sur YouTube, et un documentaire diffusé à Canal D, La voix du peuple, lui a été consacré l’an dernier. « J’ai bâti ma carrière avec ma femme, Michèle, et mes musiciens, sur la route. On a tout fait nous-mêmes. »

Le public

Comme tous les artistes depuis un an, Irvin Blais s’ennuie des spectacles et de la rencontre physique avec le public. « Mais avec Facebook, mon site web, mon courriel, mon téléphone, je reste en contact quand même. » En effet, Irvin Blais a ceci de particulier qu’il donne sans réserve ses coordonnées personnelles, ce qui permet aux gens de le joindre directement. « Ce matin, un gars m’a appelé, il n’a pas l’internet et il voulait recevoir mon nouvel album. Je lui ai dit : “Casse-toi pas la tête, je vais te l’envoyer, et tu me le paieras quand on se verra un jour.” » C’est une histoire parmi tant d’autres pour Irvin Blais – tellement qu’on lui demande s’il connaît tous ses fans par leur prénom. « Presque ! », dit celui qui a toujours voulu faire carrière « avec son monde » à ses côtés. « Ma femme et moi, on est des gens ordinaires qui mènent une vie extraordinaire. » Irvin Blais est aussi le genre de chanteur à donner des spectacles de trois heures, à être présent dans la salle ou le chapiteau dès l’ouverture des portes, et à être le dernier à partir lorsqu’elles se ferment. « Je veux prendre le temps d’être avec eux, pas faire semblant. Les gens se confient, ils viennent à nous. Même les jeunes qui ont l’air un peu rebelles, ils viennent voir le chanteur country et ils lui parlent à l’oreille. »

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Les chansons

Cette relation de confiance qui s’est installée entre Irvin Blais et son public se reflète bien sûr dans ses chansons. Elles accompagnent les gens dans les bons et moins bons moments de leur vie – L’bum, dit-il, joue beaucoup dans les centres de désintox. Le musicien s’inspire également de ces nombreuses conversations pour écrire. « Un jour, un monsieur m’a dit : “Mon garçon m’a fait tellement de peine, j’ai bu tout ce que j’ai braillé.” Ben voyons ! » C’est ainsi que la chanson J’boé c’que j’ai braillé est née et qu’elle s’est retrouvée sur un album. « Le monsieur m’a appelé après et il m’a dit : “Tu t’es servi de ma phrase !” J’ai dit oui, et ça fait une bonne toune aussi ! Je m’arrête de plus en plus à ce que les gens me disent. Ça les rejoint et, après, ils s’approprient les chansons, ils les gardent en mémoire parce que ce sont leurs mots. » Son 14e album ne fait pas exception à la règle. Il l’a intitulé LÉDA, à la mémoire de sa belle-sœur qui était atteinte d’une légère déficience intellectuelle, et qui est morte en juin 2020. « Elle ne jugeait personne et elle aimait la vie. Elle était très simple. Les gens l’aimaient. Aux funérailles, on a rempli la salle. L’album lui est dédié, mais il parle de plein de choses. Je pense qu’elle aurait aimé toutes les chansons. Il y en a une, un swing qui s’appelle Les saisons d’amour. Je l’aurais vue danser là-dessus. »

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L’avenir

À 54 ans, le jeune arrière-grand-père (oui, oui, sa petite-fille a accouché de jumeaux en septembre), qui a toujours fonctionné de manière indépendante, travaille pour la première fois avec un producteur, Martin Leclerc. « Je l’ai fait pour mon public. Les gens me demandaient pourquoi je ne passais pas à la télé ou dans les journaux, pourquoi ils voyaient toujours les mêmes artistes. » Irvin Blais lance donc son 14e album avec l’intention de faire un pas de plus et d’ouvrir encore plus de portes, convaincu que ses chansons peuvent jouer sur les grands réseaux de radio, et pas que dans les stations régionales. « Des chansons comme Mon père ou Mon truck, que j’ai écrite pour Samuel Girard, qui a gagné une médaille d’or aux Jeux de PyeongChang, ça pourrait tourner dans tous les styles de radios. » S’il estime être connu malgré tout dans les centres urbains – « à Montréal, il y a des centaines de milliers de gens de la Gaspésie, de l’Acadie, du Saguenay–Lac-Saint-Jean ou de l’Abitibi, je n’ai aucune difficulté à remplir mes salles » –, il pense aussi qu’il est temps pour lui d’atteindre un nouveau public. « J’espère que le timing est bon. Je suis convaincu qu’avec cette équipe, j’irai plus loin que je pense. »

IMAGE FOURNIE PAR MARTIN LECLERC

LÉDA, d'Irvin Blais

Country
LÉDA
Irvin Blais
Productions Martin Leclerc

Le lancement virtuel de LÉDA est offert sur le site lepointdevente.com jusqu’au 21 mars