Alors que l’ombre du variant Omicron plane au-dessus de nous, il était très rassurant d’assister aux retrouvailles inespérées entre le chef Kent Nagano et le conteur Fred Pellerin mercredi soir à la Maison symphonique.

Pour cette première de cinq représentations, les deux complices, qui offrent leur cinquième conte de Noël en 10 ans, ont été accueillis avec chaleur par le public, particulièrement le chef d’orchestre, reçu avec des applaudissements plus que nourris.

« Bonsoir, maestro ! », a lancé Fred Pellerin en arrivant sur scène après l’interprétation par l’orchestre de Fêtes de Debussy. « Tout le monde disait : “Il est parti.” Moi, je disais : “Il va revenir à Noël.” C’est pas pour rien ! »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Dans le conte La poste du paradis, Fred Pellerin nous raconte l’histoire de la première postière de Saint-Élie-de-Caxton.

Sous la traditionnelle boule de Noël géante installée au-dessus de la scène, qui se transforme au gré des projections, Fred Pellerin et l’OSM ont ainsi sans problème retrouvé leurs habitudes instaurées depuis 2011. Et c’est exactement ce dont on a besoin ces jours-ci : se faire raconter une nouvelle histoire drôle et émouvante impliquant Toussaint Brodeur et toute la bande de Saint-Élie-de-Caxton, et se faire bercer par des airs de Prokofiev et de Mozart.

On a vu l’univers de Fred Pellerin au cinéma cet automne dans L’arracheuse de temps, mais il est particulièrement bon de retrouver le conteur sur scène, sa verve, ses jeux de mots et ses fous rires — Kent Nagano, qui souriait beaucoup en l’écoutant, semble l’avoir bien apprécié aussi !

Dans ce conte intitulé La poste du paradis, Fred Pellerin nous raconte l’histoire de la première postière de Saint-Élie-de-Caxton, Alice, qui en secret permet aux habitants du village d’entretenir une correspondance avec leurs morts. Un échange « plus vertical qu’horizontal », ce qui ne plaît pas particulièrement au nouveau curé.

Cette intrigue permet à Fred Pellerin de faire réagir les personnages de Saint-Élie — Lurette la fille du forgeron qui se noie dans ses larmes, le coiffeur Méo qui « coiffe par défaut et non par qualité », madame Gélinas, mère de 472 garçons mais en deuil de sa seule fille, morte avant d’être baptisée.

Une bonne dose d’émotions

Avec habileté comme à son habitude, il nous fait passer du rire aux larmes, et chaque fois, la musique vient l’appuyer : Mystère de l’instant d’Henri Dutilleux quand on parle de l’au-delà, le Concerto pour clarinette en la majeur de Mozart, avec le soliste Todd Cope, lorsqu’il est question d’espoir, Danses populaires roumaines de Bartók lorsqu’il y a mariage au village — « on n’a pas le budget à Saint-Élie » pour une marche nuptiale solennelle, souligne Fred Pellerin —, le céleste Cantus in memoriam Benjamin Britten d’Arvo Pärt lorsqu’un personnage rend l’âme, pendant que Fred Pellerin récite les paroles de Je redeviens le vent de Martin Léon — certainement le moment le plus émouvant de la soirée.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Kent Nagano était visiblement touché par l’accueil chaleureux du public.

Après avoir remis les clés de son chalet à Kent Nagano — 10 ans après que ce dernier lui a remis celles de la Maison symphonique, « il était temps ! » —, Fred Pellerin a entonné avec l’OSM la chanson L’hymne, qu’il a écrite et qu’il chante avec Céline Dion pour le film La guerre des tuques 3D. Un texte rempli d’espoir qui donne du courage pour la suite.

Chante un hymne pour tes frères
On a tous besoin d’une trêve
Chante un hymne pour ton père
Et quand enfin le soleil se lève bien haut
Chante un hymne

Kent Nagano, visiblement heureux d’être là, est sorti de scène accompagné par des applaudissements enthousiastes et généreux, le public très conscient du privilège de l’avoir avec lui encore quelques soirées, tout ça grâce à cette drôle d’amitié respectueuse qui l’unit à Fred Pellerin. On ne les remerciera jamais assez de nous avoir aidés à combattre, le temps d’une soirée, notre spleen pandémique.

La poste du paradis, à la Maison symphonique jusqu’au 18 décembre.