Vincent Vallières était de passage à la Cinquième Salle de la Place des Arts, jeudi soir, pour la rentrée montréalaise de Toute beauté n’est pas perdue, spectacle solo et minimaliste imaginé bien avant de seoir au contexte pandémique.

À l’arrivée des spectateurs, au nombre d’environ 400, seuls un piano à queue ouvert et trois guitares posées en demi-cercle – une 6 et une 12 cordes ainsi qu’une électrique – attendaient d’être domptés par l’auteur-compositeur.

Vallières est apparu dans une noirceur quasi totale, entamée uniquement par un faisceau lumineux horizontal. Pendant les premières notes d’Heille Vallières, il digresse sur Rocky 3 et cherche à savoir si son public et lui ont encore l’« œil du tigre ».

« S’embourgeoiser, c’est la pire affaire qui peut arriver à un boxeur. Et c’est la pire affaire qui peut arriver à un chanteur », lance-t-il avant de mordre dans le coup de gueule autocritique qui ouvre son plus récent disque. Et son concert. « Le kid en colère/La sueur de ton grand-père/La voix de ton mentor/L’entends-tu encore ? »

Ce poing, ce folk tendance protest song, sera brandi à quelques occasions. Toutes les deux ou trois pièces, Vallières raconte. Se raconte. Il rendra justement hommage à la sueur de son grand-père, mort à 56 ans après une vie « minante » à Asbestos, devenu Val-des-Sources.

Il ironisera sur sa vie bourgeoise « de qualité » faite de vins et fromages sans fromages avant de se convaincre de l’essentiel avec Tom. « On manque de rien icitte, on est ben. »

D’une guitare à l’autre

Puis, il y a eu le récit des offrandes guitaristiques au pays americana : de Cash à Dylan, de Williams à Young… Ainsi avons-nous appris que Vallières jouait avec la Guild 12 cordes que Richard Séguin a usée pendant l’enregistrement de Deux cents nuits à l’heure. « J’habite une ville/J’me gosse une vie à ma façon/Avec une guit’pis un crayon », chantera ensuite l’interprète originaire de Sherbrooke sur À hauteur d’homme.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Les éclairages du spectacle sont l’œuvre de Pascal Boily.

Au travers de la route, les jeux d’ombre et de lumière – signés Pascal Boily – occuperont une place névralgique dans la mise en scène d’Alexia Bürger. Bleutée, lunaire, en bouquet ou laser, clignotante : chaque chanson a son ciel.

Le faisceau de lumière s’est vite couvert de stries et de brouillard pendant La somme, poignante autobiographie. Mais c’est plutôt une légère boucane qui a enveloppé de nostalgie Le repère tranquille, jouée au piano. « Le feu brûle encore/Même si c’est fragile/Sortir du brouillard/Sur des mois et des milles. »

Vallières est resté devant les touches noires et blanches pour plaider que L’amour c’est pas pour les peureux, que l’on a pu redécouvrir, avec bonheur, dans son plus simple appareil après tant de roulement radio.

Quelques fois, Vallières se transforme en homme-orchestre ; harmonica au bec, guitare à la taille et pédale de grosse caisse au pied. C’était notamment le cas pendant la conclusion instrumentale du Jardin se meurt. Ajoutez des effets de réverbération et de répétition, et voilà que le musicien était une bande à lui tout seul.

Le vrai renfort est venu lors du rappel. Ingrid St-Pierre a prêté voix-forte à Lili, puis à On dansera sous la pluie, comme entendue sur l’album Toute beauté n’est pas perdue. Qu’est-ce qu’il manquait ? La dégaine électrique du tube Le temps passe – clappements de mains à l’appui – et, tout « au bout de la route », le désormais classique On va s’aimer encore, avec tout un public comme chœur.

Embourgeoisé ou non, il avait retrouvé un instant l’« œil du tigre » …

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