Le légendaire groupe Genesis sera de passage lundi et mardi prochains pour deux spectacles au Centre Bell. En raison de l’état de santé précaire du chanteur Phil Collins, la tournée The Last Domino ? sera peut-être la dernière occasion pour le public québécois de voir son groupe bien-aimé. Ce sera aussi le moment de souligner les 50 ans de la parution de Nursery Cryme, album clé dans l’histoire de Genesis, mais aussi pour le rock progressif, qui entrait en 1971 dans sa période dorée.

Les bases avaient été jetées quelques années auparavant, d’abord par les Beatles avec Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, les Moody Blues et autre King Crimson, mais c’est en 1971 que le genre s’est réellement affirmé, gagnant suffisamment de maturité et profitant de nouvelles technologies d’enregistrement permettant aux groupes d’exprimer leur créativité au grand jour.

« On a assisté à partir de 1971 à un aboutissement sur le plan de la maturité technique et des fusions stylistiques de ce genre musical, nous explique Gérald Côté, ethnomusicologue et professeur invité à l’Université Laval. On arrive au début de l’âge d’or pour toutes ces musiques expérimentales. Plus on avance, plus on arrive à atteindre un équilibre sonore. Aussi, chacun utilise les mêmes repères pour aboutir à des résultats complètement différents, que l’on pense à des groupes comme Jethro Tull, Genesis, Pink Floyd ou Mahavishnu Orchestra.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Roger Waters, du groupe Pink Floyd

« Il y a des musiciens issus de formations classiques qui vont aussi s’associer au rock, enchaîne M. Côté. Steve Howe et Jon Anderson de Yes et tous les gars de Gentle Giant ont des formations classiques, ils sont les fruits de l’éducation d’après-guerre et avaient tous le désir de décloisonner les barrières musicales. Et quand tu as une formation musicale, un décloisonnement du genre te donne une matière à exploration, ça ouvre une boîte de Pandore pour ce qui est de l’expérimentation musicale. »

Selon le chercheur, ce désir d’expérimenter et de fusionner les genres était le fruit direct du mouvement psychédélique et du peace and love.

« Mon ami Jim Cockey, qui était à l’époque violoniste invité avec les Moody Blues, m’a un jour dit que ce qu’ils cherchaient à faire était de réunir les différentes classes sociales pour qu’elles puissent se retrouver dans une forme musicale idéalisée. Ils voulaient réunir toutes les classes grâce à un mélange de classique, de jazz, de rock, de poèmes symphoniques ; un nouveau genre de musique qui pige dans tous les styles possibles, avec la musique rock comme locomotive. »

Héritage

Cinquante ans plus tard, de jeunes musiciens reconnaissent l’héritage de cette musique sans complexe qui a défini le début des années 1970.

« Mon père écoutait du King Crimson, j’ai aussi grandi avec Genesis et Pink Floyd », nous confie l’auteur-compositeur-interprète de Drummondville Alex Henry Foster, qui a achevé début novembre une tournée européenne en compagnie du groupe The Pineapple Thief, pilier de la scène post-prog contemporaine.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Alex Henry Foster

Tous ces groupes ont eu l’audace de puiser des trucs ailleurs, à leur façon, c’est la racine de cet incroyable mouvement musical. Ils voulaient vivre à travers des sonorités nouvelles, avec le désir de s’affranchir des conventions de leur époque.

Alex Henry Foster

Klô Pelgag, vedette du plus récent gala de l’ADISQ, a souvent répété qu’elle avait grandi en écoutant Gentle Giant et King Crimson, une influence manifeste à l’écoute de son superbe Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. On ne s’étonne donc pas de reconnaître des sonorités progressives dans le son de zouz, nouveau groupe du bassiste Étienne Dupré. « Il y a des albums qui sont tellement forts dans ces années-là qu’on n’a pas le choix de passer à travers ça, convient David Marchand, guitariste et chanteur de zouz. Le rock de la fin des années 1960 et du début des années 1970, c’est ma musique préférée. Je ne pense pas que ce soit une musique très à la mode, surtout chez les jeunes, mais la vérité est qu’il y a eu tellement de bons albums prog. »

« Ces albums-là sont devenus des classiques, ils sont devenus le berceau d’un style, renchérit Michel St-Père, leader du groupe québécois néo-prog Mystery, qui s’est bâti une belle notoriété en Europe. Certains se mettent des barrières en voulant recréer le passé, mais ce qui est resté, c’est surtout la liberté de pouvoir créer ce que tu veux. C’est pourquoi je crois qu’on va voir de nouveaux courants s’affirmer dans le progressif. »

Les albums prog marquants de 1971

The Yes Album et Fragile

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The Yes Album, du groupe Yes

L’âge d’or du rock progressif s’est ouvert avec ces deux albums lancés en 1971 par le mythique groupe britannique. Deux disques qui ont permis à Yes de s’imposer à l’avant-scène musicale de l’époque, notamment grâce à des chansons comme I’ve Seen All Good People et Roundabout. The Yes Album s’est hissé à la quatrième place des palmarès britanniques, performance égalée par Fragile sur le palmarès Billboard américain. Les deux disques ont été vendus à plus de 3 millions d’exemplaires aux États-Unis.

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Aqualung, de Jethro Tull

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L'album Aqualung, de Jethro Tull

Le groupe d’Ian Anderson a connu sa part de succès avant Aqualung, mais dans un registre blues rock aux accents folk. Avec la chanson titre de son quatrième album, Jethro Tull affirme toutefois clairement ses prétentions progressives – Jethro Tull va conserver sa propre identité dans le genre, ses racines folk demeurant toujours bien présentes. N’empêche qu’avec plus de 7 millions d’exemplaires vendus depuis sa sortie en 1971, Aqualung demeure un incontournable du rock progressif.

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Meddle, de Pink Floyd

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L'album Meddle, du groupe Pink Floyd

Pink Floyd illustre mieux que quiconque l’évolution naturelle du son psychédélique des années 1960 vers celui du rock progressif des années 1970. Avec Meddle, le groupe s’est presque complètement affranchi de l’influence de Syd Barrett et propose des pièces qui mettent la table pour les chefs-d’œuvre à venir : One of These Days, A Pillow of Winds, Fearless et surtout la planante Echoes, qui occupe toute la deuxième face du disque, sont des jalons du rock progressif.

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Nursery Cryme, de Genesis

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L'album Nursery Cryme, du groupe Genesis

Nursery Cryme marque l’arrivée du guitariste Steve Hackett et du batteur Phil Collins, sans qui Genesis n’aurait pu s’établir comme l’un des piliers du rock progressif. Après le juvénile Trespass, le troisième album du quintette britannique montre les qualités d’écriture de Peter Gabriel et de ses complices, qui pour la première fois peuvent enregistrer sur des équipements multipistes. L’ambitieuse The Musical Box, qui s’étire sur plus de 10 minutes, garde aujourd’hui une place de choix dans le catalogue du groupe.

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Soleil, de Jean-Pierre Ferland

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L'album Soleil, de Jean-Pierre Ferland

Si les Québécois ont embarqué à fond sur la vague du rock progressif, la scène locale était encore embryonnaire en 1971. Associé à son partenaire de studio André Perry, Jean-Pierre Ferland a continué de jouer les visionnaires avec Soleil, remarquable suite à l’initiatique Jaune. Avec des compositions aux orchestrations complexes comme Le monde est parallèle ou Au fond des choses le soleil emmène au soleil, Ferland a été sacré meilleur auteur-compositeur-interprète en 1972.

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Dans une version antérieure de ce texte, il était indiqué dans un bas de vignette que Phil Collins était un membre fondateur de Genesis. Ce qu'il n'est pas. Nos excuses.