(Berlin) Elisabeth Zours a assisté à son tout premier concert des Rolling Stones à Berlin-Est en 1990, quelques mois après la chute du Mur. Une expérience qui a complètement changé sa vie.

Depuis, il ne s’écoulait pas une année ou presque sans que cette responsable administrative de 51 ans aille voir sur scène ces rockers toujours frétillants malgré leur grand âge, quel que soit l’endroit dans le monde où ils se produisaient.

Avant que la pandémie du nouveau coronavirus, qui a provoqué un verrouillage des frontières en particulier des États-Unis où ils prévoyaient plusieurs concerts, ne l’en empêche.

« Mes billets pour la tournée américaine — annulée — de 2020 étaient toujours valides, mais avec l’interdiction de voyage en vigueur, je ne savais pas si je pourrais un jour les utiliser », raconte Mme Zours. Originaire de l’ouest de l’Allemagne, elle est installée depuis 30 ans à Berlin.

« Et (le batteur) Charlie Watts est mort » en août, ajoute-t-elle, « ce fut un véritable tourbillon d’émotion ».

« Peut-être le dernier »

Puis il y a eu l’annonce, le 15 octobre, par la Maison-Blanche d’une réouverture des frontières pour les voyageurs entièrement vaccinés, effective à partir de lundi.

Tout de suite, elle a su qu’elle serait dans le premier avion.

« J’ai des billets pour quatre concerts, d’abord à Atlanta, puis Detroit, Austin et Hollywood, en Floride », énumère Mme Zours qui a prévu une odyssée de trois semaines, histoire de rattraper le temps perdu.

Les inconditionnels comme elle ont tremblé à l’idée que la tournée soit bel et bien annulée, dit-elle, en raison de l’âge des membres du groupe, notamment le légendaire duo Mick Jagger-Keith Richards qui approchent à grands pas des 80 ans.

PHOTO JOHN MACDOUGALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Elisabeth Zours est tombée amoureuse des Rolling Stones dès l’adolescence.

Les fans vivent en permanence avec l’angoisse que tout s’arrête. « Mais avec le décès de Charlie Watts » à l’âge de 80 ans, « cela pourrait vraiment être le cas », s’inquiète cette afficionado.

Elle s’était procuré des billets pour le concert de St. Louis le 26 septembre en l’honneur du batteur décédé, dans l’espoir que l’interdiction d’entrée sur le territoire américain soit levée d’ici là. Mais peine perdue.

« Au final j’ai regardé (le concert) au milieu de la nuit dans mon lit via un live stream », regrette-t-elle.

« Cœurs brisés »

Elisabeth Zours est tombée amoureuse du groupe dès l’adolescence.

« Un camarade de classe me plaisait bien et les Stones », dont il était un grand fan et possédait tous les albums, « m’ont servi de prétexte pour le connaître mieux », se souvient-elle.

« C’était dans les années 80, et je lui ai demandé de m’enregistrer tous les albums sur des cassettes. Rien ne s’est passé avec le garçon, mais les Stones sont toujours avec moi ».

Être une femme et fan à ce point des Stones n’est pas si courant, certaines de leurs compositions à caractère macho notamment s’accordant mal avec l’époque actuelle.

Comme Brown Sugar — l’histoire d’une esclave noire qui devient l’objet sexuel de ses maîtres blancs et dont le titre est au passage aussi une référence à la drogue —, ou encore Under my Thumb (littéralement « sous ma coupe »), un des plus grands succès du groupe qui raconte en des termes jugés misogynes par certains comment un homme reprend le contrôle d’une femme qui l’a fait souffrir.

Si ces paroles sont « problématiques, je n’ai jamais considéré le groupe comme misogyne. Il me donne de la force », dit-elle.

Les revoir sur scène, ce sera un peu comme rentrer à la maison.

« Leur musique est comme une vieille amie. Elle m’a aidée dans les crises depuis que j’ai 12 ans : mes cœurs brisés, mes au revoir douloureux, ou mes moments de déprime », confie-t-elle.

« Quand j’écoute leur musique, c’est le retour du bon temps ».