Réunis par leur passion pour la musique des années 1990, Steve Dumas, Francis Mineau et Jonathan Dauphinais forment Axlaustade et lancent un album de « grunge instrumental » très rock et très mélodique. Nous avons tenté de percer le mystère de ce groupe au nom improbable.

Il était une fois trois musiciens qui décidèrent de replonger dans l’esprit de leur adolescence en jammant pendant des heures juste pour se faire plaisir… et qui deux ans plus tard se sont retrouvés avec un album et un spectacle à Osheaga. C’est pas mal ce qui résume Axlaustade – lire « Axl (Rose) au stade », en référence à l’émeute du Stade olympique lors du passage de Guns N’Roses en 1992, évènement mythique dans l’histoire du rock au Québec –, un projet dont l’ampleur ne cesse de surprendre ses trois protagonistes.

Pour souligner les 40 ans de Jonathan Dauphinais, l’idée était de composer des pièces et d’aller les enregistrer à Chicago avec le mythique réalisateur Steve Albini (Nirvana, Pixies, PJ Harvey).

« Pour nous, c’était l’équivalent de se faire prendre en photo par lui, explique celui qui est aussi réalisateur, arrangeur et directeur musical. Après on revenait, on donnait ça à nos amis et c’était terminé. »

Pendant tout l’automne 2019, les trois musiciens ont travaillé pendant des heures avec comme objectif ce voyage à Chicago, nous racontent-ils, réunis dans les locaux de la maison de disque La Tribu.

« Mais quelle date on devait partir déjà ? », demande en souriant Dumas. « Le 15 mars 2020 ! »

On s’en doute, leur rêve de travailler avec Steve Albini ne s’est jamais concrétisé. Mais encouragés par des amis, ils se sont retrouvés dans le studio de Francis Mineau l’automne dernier pour continuer à composer et enregistrer, ont fait mixer le résultat par Justin Raisen à Los Angeles, puis ont présenté leur projet à la Tribu qui a embarqué…

« Le processus pour trouver le nom du band a été plus long que faire l’album ! », s’amuse l’ex-batteur de Malajube.

« Grunge du futur »

Hasard (ou pas…), l’album d’Axlaustade sort alors qu’on célèbre les 30 ans de Nevermind de Nirvana, qui a marqué l’adolescence des musiciens.

« C’est l’album qui m’a fait m’acheter une guitare, dit Dumas. Ça marchait bien aussi avec comment on se sentait… C’est tellement mélodique aussi ! Mais je dois te dire qu’on est des geeks des années 1990. On pourrait te parler juste de Nevermind toute la journée ! »

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Jonathan Dauphinais, Francis Mineau et Dumas

Malgré cette référence commune, Axlaustade est tout sauf un projet nostalgique, précisent-ils. « On dit à la blague que c’est du grunge du futur parce que ça ne va pas ensemble, note Dumas… C’est un clin d’œil au passé, mais totalement dans le présent, qui correspond à quelque chose qu’on aurait aimé entendre, mais qu’on n’entend pas. »

Le terme “grunge” est venu comme ça, tant qu’à dire qu’on fait du rock. Mais je n’ai jamais pensé qu’on faisait du grunge pour vrai ! C’est une joke, il y a de l’humour là-dedans aussi.

Francis Mineau

Et ce n’est surtout pas un jugement sur la musique d’aujourd’hui, disent-ils. Si grunge il y a, il se retrouve plutôt dans la manière de travailler, dans la simplicité mélodique volontaire, dans l’alternance entre les pièces rentre-dedans et celles qui sont plus douces.

« Notre musique est inclassable, mais le côté grunge est dans l’énergie aussi. Ne pas avoir peur des traits qui dépassent, des feedback. Ça résonne », dit Francis.

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Et à travers tout ça il y a le désir de rester fidèles à l’esprit de leur adolescence en travaillant toujours à trois, sans préparation préalable – aucun riffs de guitare ou de programmation de beats avant d’entrer en studio, par exemple.

Quand on dit qu’on a jammé, on ne parle pas de quelques heures. On parle de centaines d’heures ! J’ai l’impression que ça nous a régénérés pour 10 ans de faire ça.

Jonathan Dauphinais

C’est qu’ils ne peuvent plus se permettre ce genre de chose maintenant qu’ils sont des musiciens établis, et ces moments en groupe sont même devenus un peu la raison d’être du projet.

« Les meilleurs moments, c’est quand on travaillait tous les trois, le mouvement, la circularité. Il fallait la vibe des trois… », dit Francis. « N’importe quelle idée, elle n’était jamais aussi bonne que quand elle avait fait le tour des trois. Elle était magnifiée », estime Jonathan.

« C’est d’autant plus d’actualité pendant la pandémie d’être dans un projet de résonance, où on doit être ensemble, sinon ça n’existe pas », ajoute Dumas, qui avait ce rêve secret depuis longtemps d’être guitariste dans un band.

Raconter une histoire

Pour construire cet album sans paroles et donner le ton à chaque pièce, les trois musiciens se sont aussi inventé une histoire qui met en scène un ado du Centre-du-Québec qui s’en va assister au fameux spectacle de 1992 – où ils n’étaient pas, d’ailleurs !

« L’histoire est tout écrite, mais il y a juste nous qui la connaissons ! », dit Francis. Pendant la création, ils se sont beaucoup inspirés de musiciens comme Jean-Michel Blais, Chilly Gonzales ou Flore Laurentienne, explique Jonathan.

Un nom que Jonathan disait souvent, c’est celui d’Alexandra Stréliski, même si ça ne se ressemble pas de tout. Parce qu’elle sait raconter des histoires dans sa musique.

Dumas

Mais les gens feront leur propre lecture de ces pièces lumineuses aux mélodies fortes, portées par les riffs de guitare de Dumas, la batterie intense de Francis Mineau, les lignes de basse de Jonathan Dauphinais.

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« Quand on y pense, si on était allés à Chicago, on n’en parlerait même plus maintenant… », glisse Francis à la fin de l’entrevue. Ils s’apprêtent ainsi à jouer à Osheaga le 3 octobre avec une certaine incrédulité et beaucoup de bonheur.

« J’avais dit que ces tounes étaient faites pour être jouées dans un festival de jour… et c’est ça qui va arriver ! », lance Dumas qui, de son côté, reprend la tournée Le cours des jours, commencée l’an dernier. « J’aime dire que j’ai des shows avec mon side project ! »

Axlaustade n’a pas pour l’instant d’autres spectacles en vue, mais les trois musiciens continuent d’observer avec intérêt où tout ça peut les mener. Quelle vie souhaitent-ils à l’album ?

« Il a déjà une vie insoupçonnée », dit Jonathan. Francis acquiesce. « J’espère qu’il va continuer à nous surprendre. »

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