Le public montréalais a enfin pu faire connaissance avec le nouveau chef de l’Orchestre symphonique de Montréal, jeudi soir. Quelque 3000 mélomanes se sont réunis sur l’esplanade du Parc olympique pour entendre et voir Rafael Payare diriger l’ensemble dans un programme essentiellement russe et latino.

Malgré les nombreux éclairs qui ont strié le ciel à l’ouest tout au long du concert, les spectateurs ont heureusement été épargnés par les éléments. Des écrans géants et une puissante amplification ont permis à tous de profiter de chaque moment de la soirée. Malgré un certain grésillement au début de la suite de L’oiseau de feu de Stravinski (celle de 1919) et quelques graves un peu forcés par moments, la sonorisation s’est démarquée par son équilibre.

Il y a d’abord eu les discours d’usage de Michel Labrecque, président-directeur général du Parc olympique, et de Lucien Bouchard, président du conseil d’administration (ce dernier en vidéo). Le chef est ensuite monté sur scène avec son élégant nœud twist noir pour donner le coup d’envoi avec l’ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de Tchaïkovski.

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Rafael Payare dirigeant son orchestre avec énergie, mais sans grande prise de risque

Son interprétation fut à l’image du reste de la soirée : une grande intelligence du texte, de l’énergie, mais sans grande prise de risque. Autant certains passages rapides auraient bénéficié de plus de pugnacité, autant certains épisodes lents auraient mérité davantage de tendresse.

Dans Tchaïkovski, le fameux thème d’amour du milieu est réalisé sans grand épanchement. Cela chante quand même. Mais on aurait tellement envie d’y goûter un peu plus longtemps ! À la fin de la partition, au contraire, un brin de folie, d’abandon aurait été de mise.

Les mêmes commentaires peuvent à peu près être transposés tels quels pour L’oiseau de feu, qui terminait le concert. Quelle déception d’entendre le début ainsi expédié. Foin du mystère et de la magie ! La berceuse a également pâti d’un tempo trop rapide, tout comme la toute fin du finale, qui n’avait pas l’air très conclusive.

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Au début du concert, le ciel offrait lui aussi tout un spectacle.

Que l’on se comprenne bien. Le concert était généralement d’un très haut niveau, avec une implication de chaque instant du chef et des musiciens.

Probablement que Rafael Payare préfère être prudent avec son nouveau « bolide » et tentera plus de choses lors des prochains concerts. Pour l’instant, ses interprétations nous ont semblé trop cadrées.

Les autres œuvres ont permis d’entendre des couleurs différentes de la part de l’orchestre. La délicieuse miniature D’un matin de printemps de Lili Boulanger, jouée avec charme et précision, qu’on réentendra plus tard cette année avec l’Orchestre Métropolitain, a conduit naturellement à la suite no 2 du Tricorne de Falla, puis à la suite d’Estancia de Ginastera, une partition surprenante aux harmonies et à l’orchestration multicolores. Là encore, on aurait préféré plus de caractère, plus de mordant, plus de « méchant ».

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Le concert était généralement d’un très haut niveau, avec une implication de chaque instant du chef et des musiciens.

En guise de rappel, Payare avait préparé avec ses troupes la Fuga con pajarillo de son compatriote Aldemaro Romero, une œuvre sympathique mêlant fugatos à la Bach et rythmes de danses sud-américaines.