Après Albertine en cinq temps, une seconde pièce de Michel Tremblay fera l’objet d’un opéra. Le compositeur et musicien Christian Thomas travaille depuis deux ans à l’adaptation musicale de Messe solennelle pour une pleine lune d’été, a appris La Presse.

Christian Thomas signera aussi le livret adapté de la pièce de Tremblay, créée au Théâtre Jean-Duceppe, en 1996. Il a déjà composé plus de 90 minutes de musique et aussi réalisé une quinzaine de maquettes (« démos ») en studio, avec la soprano Lyne Fortin, le baryton Dominique Côté et le ténor Dominic Lorange, entre autres interprètes lyriques. Mais la semaine dernière, son projet a franchi une nouvelle étape : le Conseil des arts du Canada lui a accordé une bourse, afin de soutenir la création de son opéra pour grand orchestre, d’ici la fin de 2022.

Le projet intéresse l’Opéra de Québec, nous dit-on. Le directeur artistique de la compagnie, Jean-François Lapointe, considère que Messe solennelle possède une structure musicale qui en fait un levier extraordinaire pour l’art opératique.

Christian Thomas espère bien que sa « Messe » sera produite dans la capitale nationale et fera une tournée dès 2023… Même si les programmations des maisons d’opéra du monde entier sont chamboulées par la pandémie.

Du théâtre musical à l’opéra

Compositeur et pianiste depuis 35 ans, Christian Thomas a beaucoup travaillé au théâtre comme arrangeur, concepteur de musique de scène et directeur musical (Le bourgeois gentilhomme, Les deux jumeaux vénitiens, Irma la douce, Enfant insignifiant…). L’œuvre de l’auteur des Belles-Sœurs est familière à l’homme-orchestre. Comme bien des artistes, il apprécie la musicalité de son écriture. Depuis longtemps, il rêve de faire un opéra à partir de cet univers dramatique, qui a fait l’objet de plusieurs comédies musicales.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Christian Thomas a déjà composé plus de 90 minutes de musique de son adaptation de Messe solennelle.

« En 2019, j’ai approché Tremblay avec l’idée d’adapter l’un de ses romans (Le trou dans le mur). Il m’a suggéré de plutôt m’attaquer à Messe solennelle, raconte Thomas. Cette pièce est écrite comme une “liturgie dramatique”, avec plusieurs parties comme une cérémonie religieuse, avec des chœurs, des solos… J’ai tout de suite pensé à un opéra, avec un large éventail d’interprètes, et un orchestre symphonique. »

Un autre projet…

Le compositeur de 65 ans s’est ensuite mis à l’ouvrage… sans savoir que Catherine Major était aussi en train de travailler sur un opéra à partir d’une autre œuvre de Tremblay, Albertine en cinq temps, car Tremblay ne lui en avait pas parlé.

Jusqu’à récemment, j’ignorais l’existence de ce projet. Quand j’ai appris la nouvelle dans les médias, j’ai été secoué ; je suis tombé des nues ! Puis j’ai réfléchi, et je me suis dit qu’il pouvait bien y avoir deux opéras à partir de deux œuvres du même auteur, mais avec deux styles musicaux, deux approches ; car le résultat sera très différent.

Christian Thomas

Le fait que ces deux artistes, ne provenant pas du même univers musical, s’intéressent en même temps au théâtre de Tremblay souligne aussi le génie du dramaturge. Quand La Presse a demandé au célèbre écrivain, mélomane depuis sa tendre enfance, comment il se sentait d’être doublement « opératisé », il n’a pas caché sa fierté :

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

L’auteur et dramaturge Michel Tremblay

« Bien sûr, le mélomane en moi est comblé ! Entendre chanter mes personnages est un sentiment fabuleux. Pour le choix de Messe, je trouvais que les chœurs feraient une belle base pour un oratorio, mais Christian a décidé d’en faire un opéra. Et ce que j’ai entendu jusqu’à maintenant est très très beau. », confie Michel Tremblay.

Peu reprise depuis sa création il y a 25 ans, Messe solennelle… est l’une des pièces les plus méconnues de Tremblay. Serge Denoncourt l’a mise en scène au Trident à Québec ; elle a été produite à Londres et à Dublin. Mais le sort de ces personnages qui s’expriment à l’unisson de leurs balcons sur le Plateau Mont-Royal, en admirant la chaude lune du mois d’août, n’a pas autant marqué que celui d’Albertine, de Carmen ou de Thérèse. Pourtant, ces personnages aspirent aussi à se libérer d’un destin oppressant. Du matériel idéal pour un opéra, quoi !