Beaucoup d’émotion au dernier concert du Festival international du Domaine Forget à Saint-Irénée, qui marquait également la fin du mandat de Marie-Nicole Lemieux, qui a été pendant 10 ans l’ambassadrice de l’institution charlevoisienne.

C’est aux Violons du Roy, collaborateur de longue date du Domaine, qu’avait été confiée la mission de partager la scène avec la contralto. Jean-Marie Zeitouni dirigeait la phalange, enrichie de l’apport de surnuméraires et des participants à un stage d’orchestre tenu durant la semaine.

On a entendu Marie-Nicole Lemieux dans de nombreux cycles de mélodies au Québec. De mémoire, c’est cependant la première fois qu’on l’entendait de ce côté-ci de l’Atlantique dans les Sea Pictures d’Elgar, recueil qu’elle a enregistré il y a peu en France pour Erato.

Pour l’occasion, la chanteuse a également interprété quatre lieder de Schubert sur des arrangements pour voix et orchestre tout à fait intéressants (on pense à la circulation astucieuse des motifs dans La truite, mais aussi aux déferlements de Marguerite au rouet) signés Max Reger, Jean-Marie Zeitouni, Hugo Bégin et Robert Schollum.

L’orchestre a offert en guise de substantiels compléments la Sérénade pour cordes d’Elgar et la Symphonie no 8 en si mineur, dite « Inachevée », de Schubert.

C’est la Sérénade qui ouvrait le concert. Il s’agit de l’un des « standards » de tout orchestre à cordes, et tout était rodé à merveille. Plus que rodé même : Zeitouni en a offert une interprétation très sentie, avec des phrases au galbe élégant et un son agréablement soyeux. Il nous a toutefois semblé que les premiers violons auraient pu être plus présents. Il s’agit peut-être d’un effet de la fermeture complète du rideau d’arrière-scène.

Suivaient les lieder de Schubert. Dès sa première adresse au public, Marie-Nicole Lemieux s’est avouée « submergée » par l’émotion à l’idée d’offrir ce « programme d’amour » à un public qui lui a été fidèle pendant de nombreuses années.

Elle a tout chanté par cœur, à l’exception du lied An Sylvia. On l’a sentie particulièrement investie dans Du bist die Ruh – ah, ces silences gorgés d’émotion ! – et La truite, où ses talents de conteuse ont été brillamment mis à contribution.

Faire suivre par l’« Inachevée » était fort à propos, la pulsation obsédante du « rouet » semblant continuer à sourdre à l’orchestre. Jean-Marie Zeitouni nous transporte presque dans Le vaisseau fantôme de Wagner, soulevant zéphyrs et torrents dans un tempo plus « moderato » qu’« allegro » (Schubert indique « allegro moderato »). Le thème en majeur aux violoncelles aurait pu ressortir davantage, mais dans l’ensemble, il s’agit d’une exécution tout à fait satisfaisante. Le second mouvement, un « Andante con moto », chantait quant à lui avec une facilité déconcertante.

On attendait évidemment les Sea Pictures, et son interprète, qui a qualifié l’œuvre de « délicate et grandiose », ne nous a pas déçus. Elle navigue avec brio entre les caresses bienveillantes de Sea Slumber Song, l’envoûtement dionysiaque du Sabbath Morning at Sea et les effluves salins de Where Corals Lie. Jean-Marie Zeitouni déploie pour elle un accompagnement orchestral en technicolor. Et que dire de la dernière mélodie, la poignante The Swimmer, où l’engagement de la contralto, jusqu’à un bouleversant aigu final, nous prend aux tripes ?

Pour remercier l’artiste pour ses 10 années au Domaine, l’orchestre lui a offert le Salut d’amour d’Elgar, avant un hommage senti de la part de l’équipe artistique. Et pour finir, la chanteuse a proposé une Truite « pimpée » (nous reprenons ses mots !).