Tout a commencé au Festival international de la chanson de Granby pour Luc De Larochellière. Et c’est avec un plaisir mêlé de reconnaissance qu’il y retourne, 35 ans après y avoir remporté les grands honneurs. Un prélude à une série de spectacles consacrée à ses albums Amère America et Sauvez mon âme.

Des projets, Luc De Larochellière n’en manque pas. En plus d’un nouveau disque conçu pour les yeux et les oreilles qui paraîtra peut-être avant la fin de l’année, il lui reste une quinzaine de spectacles à faire avec sa compagne, Andrea Lindsay, avec qui il écrit des chansons à quatre mains depuis presque 10 ans.

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Sa trajectoire a été faite de très hauts, de très bas et de détours. Or, 30 ans et des poussières après la parution de Sauvez mon âme, son album le plus vendu en carrière, il mesure sa chance : « Être encore là, pouvoir continuer à faire ça, précise l’auteur-compositeur-interprète de 55 ans, je le vois véritablement comme un privilège. »

Granby est un jalon « essentiel » du parcours de Luc De Larochellière. En 1986, l’année de sa victoire, il étudiait encore les arts plastiques à l’UQAM, sans savoir où ça le mènerait.

Jusque-là, je ne savais pas trop ce que je voulais faire dans la vie. J’étais jeune, très jeune : 19 ans la première fois et 20 ans quand j’ai gagné.

Luc De Larochellière

Gagner à Granby lui a donné une direction. Deux ans plus tard, il faisait paraître Amère America, album pop marqué par une conscience sociale rare, hier comme aujourd’hui. Imaginez un peu : il a environ 20 ans lorsqu’il écrit La route est longue, qui évoque le drame d’immigrants sans papiers qui ont dû fuir des pays où le soleil était « un peu trop pesant ».

PHOTO DENIS COURVILLE, ARCHIVES LA PRESSE

Luc De Larochellière en spectacle le 10 avril 1991

Il a le même âge lorsqu’il interroge sa position de Nord-Américain privilégié, né du « bon bord » du « royaume apathique ». Parce que, contrairement à ce qu’il dit dans sa chanson Amère America, il se sent concerné. Et ça ne change pas sur Sauvez mon âme où, au-delà de la chanson-titre, il fait une critique féroce – et souvent savoureusement ironique – de l’argent (Cash City) et de ce qu’il permet d’acheter, des corps (Avenue Foch) ou des bidules (La machine est mon amie).

Pas le nombril du monde

Alors que tant de chanteurs s’observent le nombril, Luc De Larochellière écrivait en sachant qu’il n’était justement pas le nombril du monde. « J’étais sincèrement préoccupé », dit-il aujourd’hui, en précisant qu’il aimait déjà beaucoup, à l’époque, les gens comme Dylan, qui posaient un regard sur le monde dans leurs chansons.

« C’est comme si j’avais eu besoin de comprendre, d’analyser. Et j’avais des opinions. C’est ressorti dans mes premiers albums. […] Je ne connaissais rien au monde et je voulais déjà tout changer, s’amuse-t-il. Laisse-moi te dire que mon constat est que ça n’a vraiment pas fonctionné ! »

Dans la vie, je suis quelqu’un d’assez dans le rang. […] Lorsque certaines choses me révoltaient, je le disais, mais là, dans des chansons… J’ai eu la chance d’avoir un médium pour les exprimer.

Luc De Larochellière

Ce qui a marché, par contre, c’est sa plume fine, sa voix grave et son sens de l’accroche musicale. Ceux qui ont assisté à son ascension s’en souviennent : des disques vendus par dizaines de milliers (50 000 pour le premier, plus de 100 000 pour le deuxième), des spectacles courus et un gars qui devient un sacré showman.

« Sur le coup, j’avais l’impression que je gérais très bien tout ça et le stress qui venait avec ça. Le regard des autres aussi… Je me suis mis à me croire comme vedette parce que plein de monde autour me disait que c’était ce que j’étais, se rappelle-t-il. Il y a un danger là-dedans : lorsqu’on se valorise par le succès, le jour où cette popularité commence à s’estomper, ton estime personnelle descend à la même vitesse… »

La part des choses

Luc De Larochellière a connu des bas, après ce début de carrière retentissant. Il en a parlé souvent. En entrevue et aussi dans des chansons (J’irai ou j’irai pas, Pop Désintox, Les nouveaux héros). Il a vécu une période « mêlante » et une remise en question existentielle qu’il juge « extrêmement normale » avec le recul.

Surtout, il fait la part des choses. Il sait qu’il a été mis sur un piédestal, mais aussi qu’on l’a enterré vivant un peu trop vite. « Si je continue à faire ce que je fais aujourd’hui, c’est en partie à cause de cette période-là », dit-il en parlant de ses débuts fulgurants.

Luc De Larochellière ajoute qu’au fond, il a toujours fait pas mal ce qu’il voulait et qu’il a toujours eu la chance d’avoir des producteurs et d’autres partenaires professionnels prêts à l’appuyer. Qui croient en lui et en ses chansons.

PHOTO FOURNIE PAR L’ARTISTE

Couverture du disque Sauvez mon âme

C’est donc avec un plaisir mêlé de gratitude qu’il retourne à Granby et aux chansons de ses deux premiers disques. Son spectacle dans le cadre du festival se veut le point de départ d’une tournée où, ultimement, il va interpréter l’intégralité d’Amère America en version acoustique en première partie et de Sauvez mon âme en version électrique ensuite.

Il fait ça avec sa gang de l’époque, dont son inséparable complice Marc Pérusse. Avec plaisir, d’ailleurs, et sans avoir le sentiment de gérer son patrimoine chansonnier. « Si je faisais juste ça, peut-être que je ne serais pas satisfait, souligne le chanteur, qui prévoit lancer un nouveau disque d’ici la fin de l’année. Ce qui me nourrit dans la vie, c’est de créer de nouvelles choses. »

En concert le 8 août, à 15 h, au Palace de Granby

Consultez le site du Festival international de la chanson de Granby