L’hiver dernier, la société Pro Musica proposait trois concerts mettant successivement en vedette le violoniste Kerson Leong, le violoncelliste Stéphane Tétreault et le pianiste Serhiy Salov. Pour clore cette saison entièrement en ligne, l’organisme a réuni les trois musiciens dans un programme de musique slave enregistré – comme les autres – au Domaine Bavarois à Dunham.

Les trios se produisant en concert ou au disque sont habituellement de deux types : les trios constitués qui jouent ensemble depuis de nombreuses années (on pense aux Beaux Arts, aux Wanderer, aux Fontenay, etc.) et les trios ad hoc réunissant des solistes – parfois très prestigieux – pour un nombre limité de prestations. Nous sommes ici dans la dernière catégorie, même si Tétreault et Leong ont déjà eu l’occasion de se produire ensemble en trio avec le pianiste Louis Lortie au Domaine Forget.

Être chambriste implique pour un soliste de trouver un terrain d’entente avec ses collègues. En duo avec piano, le violoniste ou le violoncelliste a encore une bonne marge de liberté, mais plus on ajoute d’instruments et plus il doit entrer dans un certain moule. Tel musicien, s’il joue disons quatre ou six notes pendant que ses collègues en jouent une seule, peut en allonger ou en écourter à loisir. Le rubato individuel (rubato signifie littéralement « dérobé ») doit toutefois se tempérer à mesure que la partie des collègues se complexifie.

Ce n’est pas que les musiciens du trio constitué par Pro Musica n’en font qu’à leur tête. Loin de là : il règne généralement une belle cohésion et une indéniable ferveur tout au long des deux œuvres au programme (le Trio élégiaque no 1 en sol mineur de Rachmaninov et le Trio no 4 en mi mineur, « Dumky » de Dvořák). Une audition attentive révèle toutefois trois personnalités bien affirmées.

La différence entre Stéphane Tétreault et Kerson Leong est celle qui frappe le plus. Le premier joue généralement très « large », alors que le second est plus dans la grande ligne. On l’entend notamment avec la tête du thème principal du Trio élégiaque, dont Tétreault souligne presque systématiquement l’avant-dernière note (sol-la-SI-ré), pendant que Leong tend à varier davantage les éclairages.

Le jeu du violoncelliste n’est peut-être pas étranger au fait que le Dvořák prend de trois à six minutes de plus que la plupart des enregistrements existants. Cela dit, c’est une approche tout à fait valable, même si certains préféreront peut-être davantage de pétillement.

L’Ukrainien Serhiy Salov – grand gagnant du Concours musical international de Montréal en 2004 – se distingue par un jeu très personnel, avec une liberté qui le rapproche parfois de l’improvisation (une discipline qu’il pratique à ses heures). Si la brillance de l’instrument sur lequel il joue (probablement accentuée par l’acoustique du lieu) ne permet peut-être pas de juger tout à fait adéquatement de son jeu, il semble doté d’une palette de couleur assez intéressante, notamment grâce à une habile gestion de la pédale d’expression. Ses entrées dans le Trio élégiaque et dans la troisième Dumka sont parvenues à créer un vrai climat.

Le concert – payant – est offert jusqu’au 25 avril sur la plateforme Livetoune.