Le choix du directeur musical d’un grand orchestre est une opération extrêmement complexe. Bien sûr, il faut tenir compte de ses qualités de musicien, de son expérience, de sa culture musicale. Mais ce choix doit se faire en tenant compte d’un élément primordial : la chimie qu’il sera en mesure de créer avec les musiciens.

C’est sans aucun doute cet aspect qui a permis à Rafael Payare de se hisser au haut de la liste des candidats pressentis pour succéder à Kent Nagano à la barre de l’OSM. Le jeune chef vénézuélien a complètement séduit les musiciens. Et deux fois plutôt qu’une.

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’OSM

Rafael Payare sera à la tête de l’OSM à partir de la saison 2022-2023.

Ce n’était plus un secret pour personne. Au cours des trois dernières saisons, les chefs invités à l’OSM étaient la plupart du temps des candidats qui se trouvaient dans la ligne de mire du comité de sélection. En septembre 2018, Rafael Payare a dirigé l’OSM dans un programme réunissant des œuvres de Beethoven, Mozart et Schoenberg. Ce concert avait enflammé le public et les critiques.

Un véritable déclic s’est produit. « On a tout de suite senti la chimie, m’a confié Andrew Wan, violon solo de l’OSM et représentant des musiciens au comité de sélection du nouveau chef. C’est un grand communicateur. C’est aussi un être sensible. »

Lorsqu’une deuxième rencontre a eu lieu, en juillet 2019, dans le cadre du Festival de Lanaudière, les musiciens se sont demandé si la magie allait de nouveau opérer. « Oui, ça s’est encore produit, ajoute Andrew Wan. Ce degré de collaboration est rare. C’est un chef qui a beaucoup de facettes, qui est capable de communiquer les nuances. On a senti que c’était quelqu’un d’honnête. Et ça, c’est important pour la confiance. »

Chaque fois qu’un candidat dirigeait l’OSM, les musiciens étaient invités à remplir un sondage. Il y a aussi eu de très nombreuses discussions. Le fruit de tout cela était rapporté au comité de sélection. Andrew Wan m’a dit que Rafael Payare avait obtenu un score « très élevé » de la part des musiciens.

Le nom de Rafael Payare circulait. Mais il ne faisait pas partie des premiers choix. L’annonce de ce nom n’a sans doute pas étonné les spécialistes de la musique, mais a surpris le public en général. Pourtant, quand on regarde l’itinéraire de ce chef, on comprend ce qui a convaincu le comité.

Rafael Payare n’est pas une star, mais il a tout ce qu’il faut pour en devenir une au sein de l’OSM. C’est ce qui compte. À cet égard, il faut saluer l’audace de la direction de l’OSM qui n’a pas eu peur d’accompagner son choix d’une part de risque.

On serait porté à croire que le choix de Rafael Payare s’inscrit dans la tendance du moment : l’obsession de la jeunesse. À 40 ans, Payare apporte un certain vent de fraîcheur. Cela a sans doute fait partie des éléments qui ont influencé le choix du comité. Mais attention avant de sauter aux conclusions.

De la dizaine de chefs qu’a connus l’OSM, Rafael Payare est loin d’être une exception. Charles Dutoit avait 41 ans lorsqu’il a pris la direction de l’OSM en 1977. Franz-Paul Decker en avait 44. Wilfrid Pelletier, le patriarche, en avait 39. Quant à Zubin Mehta, il détient toujours le record absolu : ce surdoué n’avait que 24 ans lorsqu’on lui a confié la direction de l’OSM en 1960.

On sait peu de choses sur Rafael Payare. L’OSM a produit une courte vidéo dans laquelle on le voit marcher dans une forêt enneigée du Québec. Il s’exprime d’abord en français, puis en anglais. Il apparaît comme un homme fort sympathique avec lequel on a envie de discuter.

Mais au-delà de son charisme et de son look (qui n’est pas sans rappeler celui du chanteur Laurent Voulzy), il faudra maintenant voir ce qu’il fera derrière le pupitre. Où amènera-t-il l’OSM ?

« J’ai une grande admiration pour Kent Nagano, dit Andrew Wan. Avec lui, nous sommes allés très loin. Avec Payare, ce sera sans doute autre chose. Nous allons le suivre. Nous avons envie de cela. »

Lors de la tournée européenne de l’Orchestre métropolitain, en 2017, des musiciens de la formation m’avaient dit, en parlant de leurs confrères et consœurs de l’OSM : « On leur souhaite tellement un chef comme Yannick. »

Ils entendaient par là un chef enveloppant, chaleureux, bienveillant. J’ai l’impression que les musiciens de l’OSM ont exactement trouvé cela avec Payare. Et ce qui est formidable, c’est que le public a tout à gagner avec ce genre de coup de foudre.

La nomination de Rafael Payare nous fait encore plus désirer le retour des spectacles et des concerts. Allez… Vivacissimo avec les vaccins !