Dans un texte qu’il vient de publier sur sa page Facebook, l’auteur-compositeur-interprète Patrick Watson se dit victime de censure. Ses propos sur sa présence en territoire autochtone non cédé et sur les luttes des Premières Nations à la fête du Canada à Montréal n’ont pas été conservés au montage final par le producteur Tandem Communication.

« Lors de ma performance de la fête du Canada, j’ai fait une reconnaissance territoriale : j’ai reconnu le territoire traditionnel des peuples autochtones sur lequel l’évènement avait lieu, écrit-il. J’étais profondément bouleversé de découvrir que Patrimoine Canada avait coupé cette reconnaissance de ma prestation. La reconnaissance foncière est une étape fondamentale dans le processus de réconciliation. »

Patrick Watson était l’une des têtes d’affiche du spectacle de la fête du Canada à Montréal, enregistré au Stade olympique entre le 10 et le 12 juin dernier. L’émission d’une heure produite par Tandem Communication, mais entièrement financée par Patrimoine canadien, a été diffusée sur plusieurs plateformes numériques le 1er juillet à 19 h.

Dans le dernier segment de l’émission, au cours duquel il a interprété quatre chansons, Patrick Watson a brièvement parlé de la lutte des peuples autochtones.

Dans sa publication, il a reproduit ce qu’il appelle « les mots censurés » : « Nous tenons à reconnaître que nous jouons à cet événement depuis les terres non cédées de la Nation kanien’kehá:ka. tiohtià:ke. Montréal est connu comme lieu de rassemblement pour de nombreuses Premières Nations, nous espérons honorer cette tradition. Nous exhortons tous ceux qui participent à cet évènement à être informés et engagés dans les luttes et les résistances anticoloniales et autochtones où vous vivez. Nous tenons également à reconnaître la solidarité qui existe entre la résistance autochtone et les luttes de libération des Noirs. »

Miser sur les chansons

Mais Patrimoine canadien rejette les accusations du chanteur. « Nous ne prenons aucunement part aux choix de programmation des communautés et organismes que nous finançons », a assuré une porte-parole du Ministère, renvoyant la balle au producteur.

Le président de Tandem Communication, Stéphane Guertin, qui a produit l’émission, a réagi brièvement par courriel, en laissant entendre qu’il ne s’agissait pas d’un choix éditorial, mais qu’il a privilégié les segments chantés.

« La fête du Canada à Montréal est un spectacle qui devait présenter dans un temps limité les prestations de plusieurs artistes, Martha et Rufus Wainwright, Hubert Lenoir, Charlotte Cardin, Elisapie et Patrick Watson, leurs entrevues et les vox pop réalisés auprès des citoyens montréalais », a-t-il expliqué.

La production a dû s’assurer de créer un montage mettant en évidence d’abord et avant tout la mission première de la diffusion, soit la mise en valeur des chansons des talents canadiens.

Stéphane Guertin, président de Tandem Communication

Mieux connaître les premières nations

Dans sa publication, Patrick Watson dénonce également le peu de connaissances que nous avons collectivement des communautés autochtones du pays.

« Au cours des derniers mois, après avoir entendu le Canada nier le racisme systémique, même si le dernier pensionnat a fermé en 1996 et qu’il y a entre 3000 et 4000 femmes autochtones disparues et assassinées dont les morts n’ont pas fait l’objet d’enquêtes approfondies, je trouvais important de souligner la reconnaissance de ce territoire autochtone, le jour de la fête du Canada. Aimer quelqu’un, c’est parfois devoir lui dire quelque chose qu’il ne veut pas entendre. Et je peux comprendre que certains ont pensé que ce n’était pas le bon moment », pouvait-on lire, dans le message publié en anglais par Patrick Watson.

L’auteur-compositeur-interprète évoque aussi longuement son expérience à bord du navire Canada C3, « une initiative visant à explorer les côtes du Canada qui permet à des Canadiens de différents horizons d’entrer en contact avec les Premières Nations » à laquelle il a pris part.

« Nos vies ont tellement changé au cours de la dernière année, ajoute-t-il, pourquoi ne pas en profiter pour reconstruire quelque chose de mieux. J’ai été très chanceux et heureux de grandir ici et il y a beaucoup de grandes choses au sujet de notre pays, mais ce que j’ai entendu dans ces communautés n’est pas une représentation des valeurs que nous vantons au Canada. Si le Canada est si grand, pourquoi avons-nous si peur de le rendre meilleur ? »