La crise de la COVID-19 n’est plus une réalité abstraite pour Murray Lightburn, du groupe The Dears : le virus a fauché une vie dans sa famille. « C’est tellement réel en ce moment », a dit le chanteur lors d’une entrevue pour parler du nouvel album du groupe, Lovers Rock.

Pendant des semaines, Murray Lightburn et sa femme, Natalia Yanchak, claviériste et chanteuse des Dears, ont vécu la crise de la COVID-19 comme tout le monde : confinés à la maison avec leurs enfants. Il travaillait dans son studio, elle réorganisait les affaires du groupe, et ils passaient du temps en famille. Une pause que le musicien savourait après avoir passé une grande partie de l’an dernier en tournée solo.

Puis, le 1er mai, la réalité a sonné au téléphone. Son père venait d’être emporté par le virus meurtrier.

« Il était atteint d’alzheimer depuis des années, la COVID est débarquée et l’a frappé vraiment fort. Game over », lance le chanteur, en laissant échapper un rire nerveux. Murray Lightburn savait que son père, qui vivait dans un établissement de soins, avait été infecté. « Je suis en train de naviguer là-dedans en ce moment », a-t-il dit, quelques heures seulement après avoir appris la funeste nouvelle.

Pour les autres

Plutôt que de remettre l’entretien à plus tard, le chanteur a tenu à respecter son engagement avec la même sincérité et la même intégrité avec lesquelles il continue de faire des disques avec The Dears. Lovers Rock est une collection de chansons pop noires et romantiques qui ont pour seul objectif de toucher ceux qui adhèrent à la manière du groupe montréalais.

The Dears existe depuis tellement longtemps qu’il n’appartient plus à Natalia, à moi, ni à personne dans le groupe. Il appartient aux gens qui s’y sont attachés.

Murray Lightburn

Ses chansons, il ne les fait donc pas pour lui, mais pour ces autres. « Si tu fais un disque juste pour toi, dit-il, à quoi bon le publier ? »

Ce lien avec les fans des Dears s’est raffermi au cours de la dernière année. En marge de ses spectacles solos, il s’est souvent retrouvé seul dans des lieux publics. « Les gens m’approchaient plus pour me parler, raconte-t-il, et me disaient ce que la musique des Dears signifiait pour eux. »

« Parfois, ils étaient au bord des larmes, me disant que telle ou telle chanson les avait aidés à traverser ceci ou cela. Alors, maintenant, quand on fait un disque, on sait exactement pour qui on le fait. » Ce n’est pas une affaire d’ego, mais de générosité. Et ça se sent très fort sur Lovers Rock.

Sombre élégance

Le mot « rock » dans le titre est un peu trompeur. Lovers Rock n’est pas, pour l’essentiel, un album qui déchire. Il dégage au contraire beaucoup de finesse, un sens certain de la mélodie et offre des refrains hyperémotifs où Murray Lightburn pousse sa voix puissante et chargée (sur Heart of an Animal, par exemple). Et bien des moments de douceur, comme Too Many Wrongs, qui sonne comme une parfaite chanson pop des années 70.

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« On est en quête d’un son vrai, que je ne saurais même pas décrire », avoue le musicien. Lovers Rock est fait d’un jeu d’ombres et de lumières. De retenue, de décharges. « On a l’impression de parler de choses sombres. C’est vrai, c’est ce qu’on fait, admet-il. En même temps, on cherche une voie pour sortir de ces situations sombres. »

L’un de ces passages vers la lumière, c’est bien sûr l’ancrage amoureux. « Même s’ils font tomber tous les autres / Ils ne feront jamais ressortir le pire de toi et moi / Ils ne feront jamais sortir le pire en nous », chante-t-il entre autres dans The Worst of Us.

Elle est là, l’essence des Dears. Dans cette foi. Dans cette quête d’un idéal. Murray Lightburn le répète et on le croit sur parole : rien n’est calculé dans ces chansons-là. Son rôle est de les faire naître, de les guider. « J’ai l’impression que les chansons émergent de grandes questions [face à l’existence], mais qu’au bout du compte, dit-il, elles finissent surtout par en soulever d’autres. »

IMAGE FOURNIE PAR THE DEARS

Lovers Rock, de The Dears, Dangerbird, sortie le 15 mai