Directeur musical de l’Orchestre du Centre national des arts, Alexander Shelley vient d’enregistrer avec l’Orchestre symphonique de Montréal un concert qui sera en ligne à partir de ce mardi soir. La Presse l’a joint sur la route tandis qu’il s’en allait diriger… l’Orchestre symphonique de Québec. Entrevue avec un chef globe-trotteur qui savoure la « joie inattendue » de travailler avec des orchestres québécois.

Malgré la pandémie, le directeur musical de l’Orchestre du Centre national des arts demeure passablement occupé. Après un été en Europe où il a notamment eu l’occasion de diriger le Royal Philharmonic Orchestra de Londres, dont il est le chef principal associé, le musicien a traversé l’Atlantique pour venir travailler avec sa phalange ottavienne, qui offre presque toutes les semaines des concerts diffusés gratuitement sur l’internet avec de la musique canadienne et de jeunes solistes prometteurs au menu.

« Nous avons eu une superbe réponse de la part du public, avec des milliers de visionnements en direct et des milliers d’autres en différé. Nous avons reçu de nombreuses lettres et de nombreux courriels des gens pour nous dire combien ils étaient heureux de revoir l’orchestre. Ils adorent ça ! », se félicite le chef d’orchestre, qui ira diriger quelques concerts en Autriche et au Brésil en décembre et en janvier, avant de revenir au Canada.

Il trouve également le temps d’aller prêter main-forte à d’autres formations du côté québécois. « L’avantage avec la situation actuelle, c’est que je peux me rendre utile pour l’OSQ ou l’OSM s’ils en ont besoin », confie le chef d’orchestre, qui parle de la « joie inattendue d’être capable de travailler avec deux excellents orchestres ».

En plus du concert donné dimanche dernier avec l’Orchestre symphonique de Québec, M. Shelley a eu l’occasion, mercredi passé, d’enregistrer un programme Strauss avec l’OSM. Il s’agit de sa deuxième collaboration avec l’orchestre montréalais, après l’avoir dirigé lors de son Concours en 2018. « La qualité de l’orchestre, que je connaissais à partir d’enregistrements, mais aussi de réputation, m’a tout de suite paru évidente. Cette expérience fut très gratifiante », se souvient-il.

Dire qu’Alexander Shelley est fan de l’OSM est presque un euphémisme. Juste avant l’entrevue, il écoutait le dernier disque de l’ensemble, mettant en vedette le violon solo Andrew Wan.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Les répétitions du chef d’orchestre Alexander Shelley, directeur de l’Orchestre du Centre national des arts d’Ottawa, que l’OSM a invité à diriger un concert capté par les caméras.

J’ai commencé ma relation avec l’OSM quand j’étais enfant, dans les années 1980, en écoutant les enregistrements de Dutoit. J’admirais le raffinement sonore qu’il instillait à l’orchestre.

Alexander Shelley, directeur musical de l’Orchestre du Centre national des arts

Ayant dirigé autant en direct qu’en rediffusion depuis le début la pandémie, le musicien est à même de comparer les deux modes de diffusion. « Les concerts live ont une atmosphère très particulière, car nous savons que le public est avec nous au même moment, affirme M. Shelley. Comme musiciens, nous avons à apprendre comment créer en temps réel à travers la caméra et les micros. Nous devons nous assurer que cela est vécu comme un évènement. Mais nous avions quand même cette impression en enregistrant avec l’OSM. Comme nous savions que le tout est fait en une seule prise, nous devions jouer comme si c’était en direct. »

Le passage de la vie à la mort

Le chef s’enthousiasme en parlant du programme enregistré mercredi dernier, qui passe des Quatre derniers lieder (chantés par la soprano Adrianne Pieczonka) à Mort et transfiguration, deux sommets de l’œuvre de Richard Strauss, avec la brève Valse triste de Sibelius entre les deux.

Dans le dernier lied, Strauss, âgé de 84 ans, se cite lui-même quand, jeune homme, il écrivait Mort et transfiguration. Il cite le thème de la transfiguration, qui marque le passage de la vie à la mort.

Alexander Shelley

Discophile averti, le musicien compte, parmi ses straussiens de prédilection, Rudolf Kempe, Herbert von Karajan (« un des plus grands ! »), Christian Thielemann, Andris Nelsons, Yannick Nézet-Séguin et… Richard Strauss lui-même, qui a laissé des enregistrements de ses propres œuvres. Pour les Quatre derniers lieder, il recommande les versions de Kirsten Flagstad, Renée Fleming et, bien sûr, le légendaire disque de Jessye Norman réalisé avec le chef Kurt Masur.

Quant à la Valse triste de Sibelius, elle a beau ne durer qu’environ six minutes, elle reste d’une densité expressive sans pareille. « Il s’agit d’une personnification de la mort, raconte le chef d’orchestre. La Valse triste dépeint la Mort qui entre dans une pièce déguisée et qui danse, avant de disparaître. » Derrière ces trois œuvres se cache le fil conducteur du concert : « La vie et la mort sont intimement liées. Cela reste la chose la plus fondamentale dans notre vie », conclut le musicien.

Musique et poésie : Alexander Shelley dirige Richard Strauss et Sibelius, en webdiffusion dès ce mardi, 19 h.

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