(Londres) Deux Montréalais aux ambitions internationales qui surmontent les obstacles pour se frayer un chemin jusqu’au cœur du West End londonien, à coups de chansons et de décisions d’affaires.

C’est le scénario très réel dans lequel évoluent Alexandre Gaumond et Adam Blanshay, entre comédies musicales et projets théâtraux. Le premier sur les planches, le second derrière la scène, ils jouent les rôles principaux de leur propre aventure.

Les deux hommes étaient réunis l’automne dernier dans une adaptation anglaise de la pièce française Le prénom, en tournée partout en Angleterre. « Alex » Gaumond – comme il est connu ici – y tenait l’un des rôles principaux alors qu’Adam Blanshay produisait.

Ils font partie de « la mafia québécoise à Londres », dit ce dernier avant de se faire gentiment rabrouer par Alexandre Gaumond.

« On vient du Canada, on vient du Québec et là, on réalise nos rêves de travailler dans le théâtre à Londres », a affirmé ce dernier, début décembre, au cours d’une entrevue dans les bureaux de la firme qui s’occupe des relations avec les médias pour ses spectacles.

J’ai grandi avec Les misérables, Le fantôme de l’Opéra, Miss Saigon, Cats, Evita. C’était la British Invasion. Je suis allé à New York, mais j’ai toujours eu cette idée mystique de Londres, cet endroit d’où toutes ces comédies musicales proviennent.

Adam Blanshay

Les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble en 2014 sur la comédie musicale Dirty Rotten Scoundrels, dans laquelle Alexandre Gaumond avait repris un rôle principal après le départ abrupt de son interprète. Adam Blanshay était coproducteur.

Mais cette fois, avec la version anglaise du Prénom, la collaboration est beaucoup plus étroite. En tant que producteur principal, c’est lui qui tient les rênes du spectacle.

Les misérables comme pivot

Par hasard, la comédie musicale Les misérables a joué un rôle important dans l’enfance des deux hommes et dans leur chemin vers Londres.

Adam Blanshay n’est pas né avec l’idée de diriger des productions. Il a d’abord voulu en être la vedette.

« J’adorais chanter, mais il y avait le minimum de théâtre à mon école secondaire. Je jouais avec le Yiddish Theatre au Segal Centre, se souvient-il devant un thé. Toutes les affiches dans ma chambre, c’était Broadway. J’allais toujours à la Place des Arts quand les tournées passaient. »

Il a même espéré tenir la vedette de la production bilingue montréalaise des Misérables, en 1991, qui deviendra un immense succès au Théâtre St-Denis. Les cours de chant se sont succédé. « Et finalement le grand jour » (« Le grand jour ! », reprend-il en chantant) : les auditions. Échec. « J’étais trop grand et un peu gros, alors que Gavroche meurt de faim… »

C’est finalement à McGill qu’Adam Blanshay a réalisé que sa place était peut-être dans les coulisses plutôt que sous les projecteurs. « C’est là que je me suis rendu compte que comme metteur en scène, on met en place tout le tableau », a-t-il raconté. De là, il a fait son chemin jusqu’à Londres en passant par New York.

Alexandre Gaumond, lui, est né dans une famille musicale qui l’a poussé à développer ses talents artistiques.

« Mon oncle avait une école de musique, alors il nous donnait des cours. J’ai commencé au piano, raconte-t-il. Ma tante était prof de chant, alors j’ai commencé à chanter à 14 ans avec elle. » Prochain arrêt : le cégep Édouard-Montpetit, où un ami l’invite à intégrer une petite troupe qui montait… Les misérables. Pour lui, la production a plutôt été une confirmation de son talent sur scène.

Le jeune homme a suivi son père posté à Londres pour Bell Canada afin d’intégrer la prestigieuse Guildford School of Acting en 1997, où il a appris à se débarrasser de son accent québécois sur scène. Il n’a jamais quitté Londres.

« La journée de ma graduation, j’étais dans l’avion pour aller jouer dans Miss Saigon aux Philippines », a-t-il relaté. Son père a été aussitôt rassuré quant à la viabilité de son projet professionnel. « J’ai commencé ma carrière avec les comédies musicales et j’ai fait presque juste ça pendant 16 ans. » Il aimerait maintenant explorer la télé et le cinéma.

Les deux hommes se plaisent dans le West End londonien, qui fait concurrence à Broadway comme capitale mondiale de la comédie musicale avec ses dizaines des grandes salles.

J’ai déménagé à Londres à temps plein en 2015. Développer du nouveau matériel ici, c’est à peu près quatre fois moins cher qu’aux États-Unis. C’est le meilleur endroit au monde pour le théâtre.

Adam Blanshay

« Comme j’ai grandi à Montréal, je me suis un peu donné le mandat de prendre des succès francophones et de les importer en anglais, continue-t-il. Comme Le prénom ou Edmond. Mon prochain projet, c’est la première mondiale anglophone de la pièce de théâtre La cage aux folles. Elle n’a jamais été jouée en anglais. »

Montréal ? Les deux hommes admettent que pour l’instant, ce n’est pas un arrêt fréquent pour les productions en tournée, notamment en raison de la barrière de la langue. Mais avec les tensions linguistiques en baisse et la génération Netflix largement bilingue, les choses pourraient changer.