Sa formation et son parcours classique l’ont toujours obligé à ne pas déroger aux normes. Le violoniste Alexandre Da Costa veut maintenant agir comme il l’entend. En sortant Stradivarius BaROCK, album qui jumelle le classique et la musique moderne. Et en prenant les rênes de l’Orchestre Symphonique de Longueuil, qu’il compte diriger à sa façon. 

Bach, Schubert et Beethoven étaient des rock stars, estime Alexandre Da Costa. Le musicien joue leur musique et celle de bien d’autres compositeurs depuis plus de deux décennies, selon les règles strictes que commande le milieu classique. « On m’a toujours dit que c’était quelque chose de très sérieux, qu’il ne fallait pas trop sourire ou rire, ne pas trop pleurer non plus », raconte le violoniste. 

Mais Bach a eu 20 enfants issus de deux mariages. Beethoven et Schubert n’étaient pas, semble-t-il, des enfants de chœur. « Et là, on s’obstine à vouloir que leur musique soit parfaitement présentée, avec le doigt en l’air, dit Alexandre Da Costa. Ça ne marche pas. Ils ont eu des vies absolument folles. »

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Alexandra Da Costa sait que son audace ne plaira pas à tout le monde. 

Le musicien montréalais, depuis longtemps, « cogitait » sur une manière d’aborder autrement cet univers dans lequel il baigne depuis son enfance – il joue du violon depuis l’âge de 5 ans. Pour lui, c’est simple, l’époque a voulu qu’une pièce soit telle qu’elle est. Les moyens n’étaient pas les mêmes, selon la période durant laquelle les compositeurs ont vécu. Alexandre Da Costa a voulu faire voyager les classiques dans le temps, jusqu’à aujourd’hui.

Et tant qu’à vouloir retravailler ces morceaux de Johann Pachelbel, Jean-Sébastien Bach ou Antonio Vivaldi, autant le faire avec des artistes québécois créatifs : Gregory Charles, Bruno Pelletier, Richard Desjardins, La Bronze, Mario Pelchat… Le résultat, l’album Stradivarius BaROCK, est une compilation de 11 titres, certains mêlant la voix aux instruments, d’autres purement instrumentaux.

Alexandra Da Costa sait que son audace ne plaira pas à tout le monde. 

Certains vont y voir une attaque au purisme. Mais je me demande de quel droit nous pouvons, nous, musiciens, imposer à tout le monde de jouer comme on jouait il y a 200 ou 300 ans.

Alexandre Da Costa

Il prévoit continuer sur sa lancée, quelles que soient les réactions. Alexandre Da Costa voit son geste de défiance envers la norme du milieu comme une « rébellion contrôlée ».

Créer une relation

Une rébellion, car le violoniste vedette veut se sentir libre, dit-il. Dans la Cinquième Salle de la Place des Arts pour notre entrevue, à quelques minutes du spectacle de lancement de son nouvel album, Alexandre Da Costa revient à plusieurs reprises sur ce sentiment de liberté.

Lorsqu’il montera sur scène, il fera ce qu’il n’avait jamais eu le droit de faire. Entouré de son groupe rock, il interagira avec son public entre chaque chanson. Il voudra créer un moment de connexion entre la scène et la salle. 

Je veux évoluer, avoir une relation humaine avec les gens pour qui je joue. Si je ne l’ai pas, je ne suis pas capable de jouer. Plus maintenant.

Alexandre Da Costa

Alexandre Da Costa s’est produit avec de grands orchestres et de grands chefs, de par le monde. Il a plus de 2000 concerts à son actif. « Et jamais je n’ai ouvert ma bouche, ne serait-ce que pour dire bonjour à mon public, note-t-il. Dans la musique classique, on me dit de venir au milieu de la scène, de faire mon salut, de jouer ma pièce, de saluer encore et de sortir. »

S’il estime avoir « fait ce [qu’il avait] à faire, dans les règles du jeu », c’en est fini. C’est en restant dans les cases qu’il a établi sa carrière internationale. Maintenant entouré d’une équipe solide, de mécènes fidèles, « des gens qui [le] laissent être libre », le musicien peut « mettre son grain de sel à tous les niveaux de sa carrière ». 

Da Costa et l’OSDL

Le violoniste revient à son besoin de liberté alors que le sujet de sa nomination au poste de chef d’orchestre et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Longueuil (OSDL) surgit. L’annonce a été faite en janvier dernier.

S’il a longtemps eu dans sa ligne de mire l’accession à une place de chef, Alexandre Da Costa estime que c’était le bon moment. « Le déclencheur a été un désir d’être libre et créatif, dit-il. Comme violoniste soliste, je suis un employé du chef : il m’engage, me dit de jouer telle pièce, et si je ne veux pas, il demande à quelqu’un d’autre. »

Le musicien a souvent dû se plier aux exigences d’autrui et les compromis ont été rares. Des chefs « odieux », il en a croisé souvent. Lui ne sera jamais un chef qui s’impose, dit-il. Il sera un chef « qui écoute, qui absorbe, qui propose ». Parce que ce rôle, finalement, n’est que récemment devenu celui d’un « dictateur ». 

Il n’y a même pas 100 ans, c’était encore une démocratie. Ce n’était pas un gars qui dictait tout ce qu’on doit faire. Tout le monde avait une responsabilité.

Alexandre Da Costa

D’ailleurs, initialement, le premier violon faisait régulièrement office de meneur d’orchestres, alors qu’un chef n’était pas nécessaire. L’archet est devenu la baguette. Mais Alexandre Da Costa tient à revenir à cette communion. Il s’emparera même de son violon à l’occasion, avec son orchestre.

Comme avec son album, comme avec ses spectacles, le musicien aborde ses nouvelles fonctions avec l’ambition de faire changer les choses. Le troisième orchestre de la région métropolitaine aura un impact sur l’ensemble du territoire ainsi que dans tout le Québec, espère-t-il. « Mon mot d’ordre, c’est qu’à la fin de mon mandat, que je parte ou que je reste, il faut que l’OSDL ait trouvé son unicité, dit le violoniste. Qu’on le reconnaisse. Que les gens soient excités de venir le voir, parce qu’ils sauront qu’ils seront surpris et qu’ils feront partie de quelque chose de grand. »