L’album de Juste Robert Mon mammifère préféré est sorti au début du printemps. Depuis, le chanteur presque quinquagénaire, qui se produira au Mile Ex End le 31 août, ne cesse de gagner des admirateurs. Un à la fois.

Fin juin au Festival en chanson de Petite-Vallée, en Gaspésie. Devant une salle comble réunie pour un brunch musical, Juste Robert chante une première pièce intitulée #kanyewest. L’émotion est immédiatement palpable dans le public qui, pendant une bonne heure, restera suspendu aux lèvres de l’auteur-compositeur-interprète au répertoire mélancolique et à la voix poignante.

« Il y a même du monde qui a pleuré », nous confiera-t-il plus tard en entrevue. C’est clair, « toucher les gens un par un » est devenu la manière de faire son chemin pour Juste Robert, qui n’en revient pas de la réception médiatique « exceptionnelle ».

« Des étoiles dans La Presse et Le Devoir, qu’on parle de moi à Radio-Canada, je reste bête. Mais pour le nombre de spectacles, j’espérais que ça aille plus vite. En même temps, c’est obligé d’être comme ça, par rapport à la proposition qui est plus lente, axée sur une voix mature, des textes. C’est dur de rentrer ça dans la gorge du monde dans des festivals censés être festifs. »

Jean-Robert Drouillard menait une belle carrière de sculpteur – depuis un an « semi sous respirateur artificiel » – lorsqu’il s’est lancé dans la chanson, vers la mi-quarantaine. Il a aujourd’hui 49 ans. « Je sais, je parle trop de mon âge ! », dit-il souvent en rigolant. Mon mammifère préféré est son deuxième album, après un premier sorti en 2016, « enregistré en trois jours dans une cuisine de Saint-Jean-Port-Joli sans réflexion ni démarche artistique ».

« Je sais que des gens ont été touchés. Mais d’autres ne sont pas capables de l’écouter parce qu’il est mal produit, mal enregistré. Ma voix n’est pas travaillée, avec le côté nasillard et le gros accent – je suis né en Ontario et j’ai grandi à Gaspé. J’ai fait ce disque animé par… la foi qu’on peut avoir dans l’art ! »

Trouver sa voix

Trois ans plus tard, fort d’une bourse remportée en 2017 à Petite-Vallée et accompagné par une maison de disques réputée – La Tribu –, Juste Robert est donc arrivé avec un album plus professionnel et abouti, mais toujours avec la même sensibilité et la même urgence de créer.

« C’est 20 ans de réflexion en art transposés en chanson. » Mais s’il a persévéré en musique, c’est d’abord parce qu’il est « tombé fou raide en amour »… avec sa voix !

Je sais, c’est weird de dire ça. Il y a plusieurs strates dans ce métier. Il y a composer la toune. Écrire les mots. Faire des arrangements. Aller en studio. Mais la sensation de la voix qui traverse le corps, qui va vers l’autre, ça m’a happé. Autant que la sculpture il y a 20 ans, et ça a transformé ma vision du monde et mon rapport à ce que je suis.

Juste Robert

Sa voix, c’est d’ailleurs « le bout » qui n’a jamais cessé d’évoluer, ajoute-t-il, entre la première fois où il a mis les pieds au Tam Tam Café de Québec à l’âge de 44 ans, où c’était « n’importe quoi », et « cinq ans plus tard presque mois pour mois ».

« Je suis un peu plus conscient de ce que je fais et de comment ça résonne. Pour qu’il y ait communication. Je me force pour que ce soit plus grand. »

Il a d’ailleurs beaucoup travaillé sa prononciation. « Avant, c’était comme si j’avais une patate dans la bouche ! » Mais son accent, qu’il essaie de gommer et qui ne s’entend pas quand il parle, ressort dès qu’il commence à chanter. « Je ne comprends pas pourquoi ! Moi, je ne l’entends pas, mais les autres disent que oui. »

C’est sa « couleur ». Mais il est fort conscient que cette particularité peut encore rebuter plein de gens.

« Je sais l’effet que je fais au monde. Ça m’est arrivé souvent d’être devant une salle, avec le tiers qui veut fuir, le tiers qui s’en fout, et l’autre tiers qui est en train de tomber en amour et qui se dit : mais quessé que t’es en train de me faire ? Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas comment, mais ça m’arrive. »

Juste Robert sera en spectacle au Mile Ex End le 31 août à 15 h.