Pour son troisième album, qui paraîtra à l’automne, Half Moon Run a voulu aller ailleurs. L’exercice n’a pas été de tout repos. La Presse (et des centaines de fans finis) a eu un avant-goût du résultat lors d’un « concert secret » à Laval, mercredi dernier. Les risques, les efforts (le perfectionnisme, même) et l’irréfutable talent du quatuor ont été payants : encore une fois, on s’attend à de la musique exceptionnelle.

Les concerts intimes permettent à Half Moon Run de s’exercer à jouer son nouveau matériel et à prendre le pouls de son public. Le groupe avait fait une minitournée semblable avant la sortie de son deuxième album, Sun Leads Me On, en 2015. « Ça nous donne la chance de cheminer vers quelque chose qui mérite d’être sur une grande scène », soutient Dylan Phillips, dans un français maintenant quasi parfait.

Repousser ses limites

Nous rencontrons le batteur-claviériste-chanteur du groupe l’après-midi du spectacle à Laval, dans la loge remplie de miroirs de la salle André-Mathieu. Avant d’accoster à l’île Jésus, Half Moon Run est passé par Saint-Eustache à la mi-juin, puis a participé à trois festivals ontariens.

Le quatuor a une parfaite maîtrise du répertoire de ses opus Dark Eyes (2012) et Sun Leads Me On (2015). Interpréter de nouvelles chansons sur scène représente un défi particulier. Dylan, Devon, Isaac et Conner ont voulu repousser leurs limites pour le prochain album. La question de savoir comment ils allaient jouer cela sur scène s’est souvent posée, raconte Dylan.

Se lancer dans la confection de l’attendu troisième disque, « c’était comme lancer un autre band », va jusqu’à dire le batteur. Va-t-on tout de même y reconnaître Half Moon Run ? Ses yeux bleus derrière la monture rectangulaire de ses lunettes, il se fait rassurant : « On a voulu aller dans un autre monde, mais, en se réécoutant, on entendait qu’on restait le même band. »

Le feu de Half Moon Run

Dylan mentionne à quelques reprises le « feu » qui crépite au sein du groupe. Un feu créatif qu’il a fallu raviver, mais que le quatuor a surtout voulu attiser pour déclencher un brasier. 

Il fallait faire quelque chose de nouveau, se créer des défis.

Dylan Phillips, de Half Moon Run

Ces trois dernières années, la création s’est faite par cycles. Les musiciens pondaient parfois plusieurs titres potentiels d’un coup, d’autres fois, ils travaillaient fort, mais rien ne marchait. « Il a fallu retrouver notre voix », dit le batteur, avant de se raviser : « Ou plutôt, on a voulu réinventer ce qu’on fait, aller chercher notre feu. »

Si nous nous fions à ce que nous en avons vu mercredi, ces efforts ont produit des feux d’artifice. Sur les cinq titres tirés de son nouveau matériel, Half Moon Run a affiché de nouvelles couleurs, s’est montré plus en maîtrise que jamais de son art. « Avec cet album, on a été plus wild, on s’est risqués hors de notre zone de confort », témoigne Dylan, qui parle également d’une maturité et d’une confiance accrues depuis Sun Leads Me On.

Nouveau fonctionnement

Pour en arriver au produit final – Dylan nous assure que l’album est achevé à l’heure actuelle –, les quatre musiciens ont abordé la création différemment d’avant. D’abord, ils se sont donné comme objectif de composer beaucoup plus de chansons que nécessaire.

Arrivés en studio, on avait toutes sortes d’idées avec lesquelles travailler. Même si c’était parfois plus difficile de choisir ce qu’il fallait garder ou non !

Dylan Phillips, de Half Moon Run

Plutôt que de s’exiler pour écrire (ils étaient partis en Californie à l’époque de Sun Leads Me On), ils sont restés à Montréal – « après des années sur la route, on a développé une appréciation pour la maison », s’amuse le Britanno-Colombien d’origine.

C’est aussi dans un studio de la métropole qu’ils ont enregistré la plupart des chansons, sous la houlette du réputé producteur américain Joe Chiccarelli (The Killers, Frank Zappa, The White Stripes). Pour le reste, ils sont retournés au Bathouse, studio de The Tragically Hip, en Ontario.

Tout prend son sens

Dylan nous disait que Half Moon Run avait voulu repartir de zéro, se réinventer, mais que son essence ne l’avait jamais quitté. Ça s’est confirmé quelques heures plus tard, lorsque le groupe est monté sur la petite scène de la salle André-Mathieu.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le groupe a présenté cinq nouveaux titres lors de son concert à Laval.

Déjà difficile à qualifier, le style musical du quatuor tiendra encore moins dans une case après cet album dont on ne connaît encore ni le titre ni la date de sortie. Le folk-rock imprègne tout. La voix sans pareil du chanteur Devon, les harmonies des trois autres membres (qui seront encore plus présentes sur le prochain album) et les envolées électriques ne laissent aucun doute : c’est du Half Moon Run.

Mais… il y a un plus. L’éventail des sonorités s’est élargi. D’une chanson à l’autre, on flirte parfois avec les harmonies de la surf music, avec les ondulations de la guitare country et même avec ce qui nous a semblé être le son d’un bongo. Le piano s’est imposé. Le public ravi en redemandait.

Parlant de public, c’est devant une salle de 800 places pleine à ras bord d’admirateurs invétérés que Half Moon Run a proposé quelques-uns de ses nouveaux titres, entrecoupés de ses classiques que l’on connaît par cœur et qu’il balance avec son habituelle solidité. La foule lui a offert chaque fois une longue ovation.

Après une chanson, presque plus personne ne daignait s’asseoir dans les confortables sièges rouges de la salle lavalloise. Avant la fin du concert, tous les spectateurs étaient debout.