Dès la première mesure, le djembé de Weedie Braimah et la batterie de Corey Fonville ont mis le cap sur tous les paroxysmes, exacerbations, frénésies.

Le trompettiste Christian Scott aTunde Adjuah et le saxophoniste Logan Richardson y ont ajouté un motif d’introduction, appuyé par les accords plaqués du claviériste Lawrence Fields et les lignes graves du contrebassiste Kris Funn.

Le Monument National était devenu hautement inflammable.

Pour reprendre les termes de notre hôte vêtu de rouge vif et de noir, recouvert de parures dont l’esthétique s’inscrivait quelque part entre l’Afrique traditionnelle, les Premières Nations et le hip hop, nous nous proposions de vivre lundi une soirée de « réévaluation musicale pour un deuxième siècle de jazz qui s’amorce », « tant pour la musique que pour la relation entre la création et son public ».

Plutôt que de reproduire fidèlement les compositions de ses enregistrements récents, à commencer par l’opus Ancestral Recall sous étiquette Ropadope, Christian Scottt aTunde Adjuah nous avait conviés à de vives extrapolations de ses œuvres dans le contexte d’une vaste improvisation. La dimension improvisée de cette rencontre, en fait, semblait plus importante que les structures les accueillant.

Les thèmes, les progressions harmoniques, les rythmes étaient déployés dans un continuum endiablé, d’une extrême intensité. La pédale dans le tapis du début à la fin de cette rencontre, le leader et ses collègues n’ont pas fait dans la dentelle. Hyper groove assorti de solos fiévreux et spectaculaires, voilà le programme profondément black auquel on a eu droit.

Impact assuré, auditoire soufflé.

« Soyez libres de ressentir », avait prescrit le leader d’entrée de jeu, très loquace entre les exécutions, pour employer un euphémisme. Sauf ces interminables prêches sur les racines culturelles et la condition humaine, il y avait effectivement matière à ressentir, c’est le moins qu’on puisse dire !

Quant à la réévaluation historique, on repassera ; la plupart des référents au programme provenaient du siècle précédent, nous n’étions pas exactement aux portes de l’avenir. Mais bon, qui s’en plaindra ?