Avec sa musique électro-pop, ses costumes extravagants, ses maquillages assumés et l’usage endiablé qu’il fait de son violon, Denique passe difficilement inaperçu. Pourtant, il y a seulement un an, l’artiste queer était méconnu au Canada. Douze mois plus tard, des dizaines de milliers de spectateurs l’ont vu à Montréal, Los Angeles et Hong Kong. Et il s’apprête à se produire durant la World Pride de New York.

Aujourd’hui, le Néo-Écossais d’origine offrira une performance sur la scène Youth Pride dans Central Park. « Je trouve ça génial de jouer devant des spectateurs de 15 à 19 ans qui sont en train de se définir et qui assument leur identité si jeunes », explique l’auteur-compositeur-interprète, rencontré dans un café montréalais.

Son look fait tourner les têtes. Son énergie est contagieuse. Toutefois, Denique a dû être patient avant que le succès cogne à sa porte. Quelques semaines après avoir lancé son album Shape 1, en octobre 2017, il était au plus bas financièrement. « J’ai demandé à mon père de payer mon loyer. Je ne voyais plus de futur en musique. Rien ne bougeait. »

Le 29 novembre, les choses ont commencé à changer lorsqu’il s’est vu dans La Presse. « J’ai frissonné en voyant mon personnage artistique dans le regard d’autrui. J’ai senti que c’était le début d’une nouvelle ère. »

Après avoir quitté un emploi à la Grande Roue de Montréal, il a trouvé un emploi en postproduction, lui qui monte ses propres vidéos depuis des années. Peu après, on lui a offert un premier contrat important à Montréal : une prestation à Désorientation, une soirée-bénéfice pour la cause LGBTQ. « C’était intimidant de performer devant mes pairs, alors que plusieurs des leaders innovants de la société sont issus de la communauté. Quand je joue devant eux, la barre est plus haute. Ils ont tout vu : les drags, les révélations de costumes, les surprises. » Se demandant comment se démarquer en demeurant authentique, il a décidé de marier son violon traditionnel à son allure moderne et excentrique.

Un univers à apprivoiser

Pourtant, ses choix esthétiques viennent parfois avec des insécurités, comme ce fut le cas durant Fierté Ottawa, alors qu’il jouait ses propres compositions sur scène pour la première fois. « Les gens me fixaient sans réagir. J’ai fait de mon mieux pour terminer ma performance, malgré une attaque de panique. »

Ironiquement, quelques minutes après avoir quitté la scène, une foule l’a assailli. « Les gens de partout voulaient des photos, me féliciter ou me parler. Je me suis senti comme une superstar ! J’ai compris qu’ils avaient besoin d’apprivoiser mon univers. »

Durant l’été 2018, il a aussi joué à Fierté Montréal, aux célébrations de la fête du Canada à Ottawa, à Pop Montréal et au festival Mosaic de Mississauga, où il a fait une performance devant 50 000 personnes. Puis, il a été invité à Hong Kong, Los Angeles, bientôt New York et Prague en août prochain. « C’était mon rêve de jouer partout et de découvrir différentes cultures. De 20 à 25 ans, je voyageais pour fuir mes problèmes. J’avais besoin de trouver un moyen de vivre dans la réalité, de créer et de voyager grâce à ça. » 

En grandissant dans une petite ville de la côte est canadienne, je pensais que personne ne me comprenait. Maintenant, je voyage et je vois des gens qui me comprennent un peu partout. Ça me procure un grand sentiment de validation.

Denique

Cette validation est également venue au gala de l’Association musicale de la côte Est. « La veille de la date limite d’inscription, j’hésitais à payer les frais de 50 $. J’avais peur d’être rejeté. Si je n’étais pas en nomination, ça aurait confirmé que la côte Est ne voulait rien savoir de moi, des artistes queer et colorés, et que si tu ne cadres pas dans leur formule toute faite, ça ne fonctionnera pas. »

Finalement, son album Shape 1 a été nommé Meilleur album électronique de l’année en mai dernier. « C’était un choc de gagner ! Particulièrement en raison de la mentalité conservatrice là-bas. Les journaux ne parlaient jamais de moi avant. Je n’ai jamais eu de soutien des organisations queer d’Halifax. Seule la communauté francophone me soutenait. » Il affirme que sa victoire a enlevé un poids de ses épaules. « J’ai l’impression d’avoir réglé quelque chose en moi. Maintenant, j’aime et je respecte mon milieu. Je vois le potentiel de changement. »

Un mois plus tard, le Montréalais de 26 ans a participé au RuPaul’s DragCon, un rassemblement de fans de drag-queens où il a offert une performance tout juste avant RuPaul. « C’était extrêmement grisant de jouer avant l’icône gaie d’une génération, d’être à Los Angeles, de marcher sur le Hollywood Boulevard et de faire plusieurs rencontres qui pourraient changer ma carrière… »

Discret sur la nature de ces rencontres, il affirme sans détour qu’il travaille sur son prochain album. « Je sais où je m’en vais. J’ai commencé à écrire et à composer. Je suis prêt pour la prochaine étape ! »