Finding Gabriel est une vaste métaphore doublée d’un pamphlet sur le trouble états-unien… selon Brad Mehldau, grand pianiste, compositeur multipolaire, intellectuel aguerri, étonnant exégète des écrits sacrés. Le jazzman n’est certes pas le premier à puiser dans les écrits bibliques pour étoffer une entreprise artistique, Cohen et Dylan l’ont fait bien avant lui… et voici sa manière de faire.

Finding Gabriel se décline en 10 œuvres pour orchestre de chambre jazzy contemporain. Intitulée The Prophet Is a Fool, la pièce centrale de cet album s’adresse directement à Donald Trump, montré ici comme le prophète de malheur pour les Américains sensibles au discours populiste. Population à la fois apeurée, fragilisée et… lourdement armée. « They have guns, lots of guns, and they’re not for hunting », peut-on entendre sur cette pièce émaillée d’un slogan tristement célèbre : « Build that wall ! » On devine la profonde inquiétude de l’auteur…

Symboliquement, le projet artistique de Brad Mehldau cherche à s’enquérir des prochaines révélations de l’archange Gabriel, messager de Dieu dans les Bibles chrétienne et hébraïque et aussi dans le Coran. En ces temps de profondes divisions sociales, morales et politiques, la destinée états-unienne demeure incertaine.

Sans affirmer quelque foi mystique (des écrits antérieurs l’ont démontré), le musicien s’inspire des écrits des prophètes Osée et Daniel ainsi que des extraits des livres de Job, de l’Ecclésiaste et des Psaumes. L’ange des plaisirs perdus, un concept poétique de Léo Ferré (chanson La mémoire de la mer), est même cité en français dans cette vaste quête de vérité.

L’instrumentation de cet opus est à la fois classique, acoustique, analogique, numérique. Les genres musicaux impliqués s’inspirent de trois axes principaux : musique de chambre classique moderne ; jazz moderne acoustique et jazz fusion des années 60, 70 et 80 ; rock progressif, post-rock et électro.

L’instrumentation et le personnel sont évocateurs pour bien saisir ce projet artistique. Brad Mehldau s’y transforme en homme-orchestre : piano, Fender Rhodes, Hammond B3, mellotron, synthétiseur, xylophone, percussions. L’instrumentation de l’orchestre est ainsi constituée : trompette (Ambrose Akinmusire), saxophones (Joel Frahm, ténor, Chris Cheek, baryton et ténor, Charles Pillow, alto et clarinette basse, Michael Thomas, sax alto et flûte), cordes (Noah Hoffeld, violoncelle, Sara Caswell, violon, Lois Martin, alto), percussions et batterie (Mark Guiliana), chant (Kurt Elling, Becca Stevens, Gabriel Kahane, Snorts Malibu).

Fondé sur des référents pour la plupart connus des mélomanes, ce projet s’avère ambitieux, touffu, chargé, complexe. Inédit ? Pas tout à fait, mais on ne pourra pas reprocher à Brad Mehldau de gérer son patrimoine.

À la Maison symphonique le 27 juin, 19 h, avec Ambrose Akinmusire, Joel Frahm, Joe Sanders et Leon Parker.

IMAGE FOURNIE PAR NONESUCH

Finding Gabriel, de Brad Mehldau

★★★★ JAZZ. Finding Gabriel. Brad Mehldau. Nonesuch.

Extraits de l’album sur le site de Nonesuch