Devant ses fans montréalais hier, portée par la ferveur qu’elle soulève au Québec, Angèle a été splendide.

La Belge de 23 ans a la cote dans la province. Et le vent dans les voiles. Son ascension est phénoménale, franchement remarquable. Fiez-vous à l’annonce faite hier d’un prochain concert, en décembre… au Centre Bell. Même pas montée sur la scène du MTELUS pour son premier vrai spectacle sur le sol montréalais que la chanteuse belge était déjà promue au plus grand aréna du Québec. Son concert d’hier marquait le début d’une belle histoire.

La demande était sans pareil. La page Facebook de l’événement « Angèle au MTELUS » n’était ces derniers mois qu’une suite infinie de publications du genre : « Je cherche deux billets pour le show ! ! ! Pour des fans finis ! ! ! » En janvier déjà, des amateurs de pop désespérés cherchaient à tout prix des laissez-passer pour le concert le plus couru des Francos. « Prête à vendre un rein ou un poumon », a plaisanté une admiratrice (ou était-elle sérieuse ?).

Les « fans finis » de la jeune chanteuse pullulent à Montréal. Près de 12 000 admirateurs se sont déclarés intéressés à assister au concert sur la page Facebook devenue site de revente. Le MTELUS accueille 2300 personnes. Soulagement à la désolation générale, l’artiste a annoncé qu’elle serait dans la métropole à la fin de l’année. Du MTELUS, elle s’est propulsée au Centre Bell. 

Cool Angèle

Hier, on avait du mal à déambuler librement sur le parterre archiplein. La foule était dense, désireuse de s’éclater. De jeunes adultes, majoritairement, ont convergé vers la salle de la rue Sainte-Catherine et ont eu droit à une explosion pop.

Quand la Belge de 23 ans a débarqué sur scène, vêtue d’un pantalon haut bleu océan et d’un haut scintillant sous une veste noire assortie à ses Converse, elle a tout de suite fait bonne impression. Énergique, elle a sautillé et dansé dès son arrivée. Elle a installé l’ambiance festive, qui est rarement retombée.

On a vite compris ce qui fait d’elle l’enfant chérie de la pop francophone. Elle est cool, cette Angèle. 

L’« effet wow »

La thune a entamé les réjouissances. Sur les « À quoi bon ? » du refrain, Angèle a gambadé sur scène, ses longs cheveux blonds flottant derrière sa menue carrure.

La pop d’Angèle est rafraîchissante. Elle fait du bien. Elle permet de danser tout en envoyant promener les sexistes ou en remettant en question notre relation avec les réseaux sociaux. La pop d’Angèle est merveilleusement actuelle aussi. Dans ses sons comme dans ses mots, parfois arrangés avec une pointe d’humour, parfois personnels et touchants.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

La Belge de 23 ans a la cote dans la province. Et le vent dans les voiles.

Après La thune, elle a chanté La loi de Murphy, bel exemple de ce penchant pour la plaisanterie. « J’passe à la banque, je laisse passer mémé/Si seulement j’avais su qu’elle relèverait tous ses extraits de l’année/Je l’aurais poussée et coincée dans la porte automatique ! » 

Un intermède lui a permis de mettre à contribution son public qui a poussé la note vers son micro tendu. 

Les fans d’Angèle n’ont pas manqué de lui montrer que même de l’autre côté de l’océan, on connaît ses chansons par cœur.

L’auteure-compositrice-interprète a par la suite mis sa voix de miel au service de son mégasuccès Balance ton quoi

Beaucoup l’ont connue après avoir visionné le vidéoclip de ce chant féministe, qui a fait le « buzz » ces derniers mois.

D’abord derrière son piano rouge (outil qu’elle maîtrise et utilise pour créer toutes sortes d’émotions), elle s’est ensuite entourée de danseuses qui ont brandi leurs doigts d’honneur (dirigés aux sexistes de ce monde). Les quatre accompagnatrices avaient l’air de dryades, dans des ensembles beiges munis d’une longue jupe. 

Les chorégraphies ont donné un « effet wow » à la performance. Si certains chanteurs ne passeraient pas le test en s’entourant de danseurs et en s’adonnant à des gestes synchronisés sur scène, Angèle obtient une très bonne note. Les rythmes de ses chansons s’y prêtent bien et les danseuses n’étaient là que ponctuellement, sans trop en faire.

Angélique Angèle

Jalousie a embarqué, puis Les matins, à laquelle on a insufflé un tempo dansant.

Sur des plateformes surélevées, ses musiciens, aux percussions et au clavier, ont battu le rythme avec véhémence. 

Laissée seule avec son piano, Angèle a ensuite offert un moment planant avec Nombreux, suivi de son interprétation admirable de Mon amie la rose, de Françoise Hardy. 

Les musiciens sont réapparus pour Victime des réseaux, où la pop sucrée rejoint le R&B. 

Quand Angèle entonne les paroles « You make me feel like a big shit », c’est gracieux, délicat. Pour tout vous dire.

Retour à la chorégraphie sur Je veux tes yeux. Les mouvements amplifient l’impact de la voix et de la musique. Angèle se remue avec ses quatre danseuses, elles interagissent, c’est amusant.

Est ensuite arrivée Tout oublier (c’est elle qui a chanté les vers de son frère, Roméo Elvis) et la musique a porté le public à sauter en rythme.

La chanteuse s’est alors lancée dans une autre jolie reprise, cette fois de T’es beau, de la musicienne française Pauline Croze. L’interprétation était tout en douceur. Tout de suite après, on a été replongés dans l’esprit festif avec un segment fait pour danser. Elle a alors quitté la scène, et le MTELUS est devenu une boîte de nuit l’espace d’un instant.

Chanter ses propres mots

Si le succès a été rapide pour Angèle, favorisé par notre ère de l’instantané, il n’est pas démérité.

C’est elle qui a écrit et composé toutes les chansons de son premier album, Brol. « Je ne m’investirais pas autant sur scène, dans les clips, si je n’étais pas à la base des chansons, nous avait-elle dit à quelques jours du concert. Je ne pourrais pas raconter des histoires sur des chansons qui ne sont pas les miennes. »

On comprend ce qu’elle voulait dire. 

Les mots qu’elle chante sont les siens, elle les déclame avec intention. 

Ça s’est bien vu lorsque la chanteuse est passée à l’émotive et puissante Ta reine. Elle a chanté l’amour parfois cruel, lorsqu’une femme en aime une autre. La tension est montée d’un cran, le silence attentif a accueilli la voix contrôlée et précise d’Angèle. Car si son piano est un instrument qu’elle maîtrise, sa voix aussi, elle sait s’en servir.

Flou et Flemme ont clos le bal, avant que les acclamations ne la fassent remonter sur scène. Une dernière fois en tête à tête avec son piano, elle a conclu avec sa version de J’ai vu, un titre du répertoire de Roméo Elvis, qu’elle interprète habituellement avec lui. 

Angèle a finalement annoncé à la foule enchantée qu’elle serait de retour en décembre. On se voit à l’hiver, volontiers.