Cela fera bientôt six ans que Mumford and Sons ne s'était pas produit à Montréal. Le groupe avait assuré le concert de fermeture d'Osheaga en 2013, et celles et ceux qui y ont assisté se souviennent encore de la magie qui avait envahi les festivaliers à cette occasion. On y avait alors entendu les tubes tirés de ses deux premiers albums Sigh No More et Babel, à commencer par le succès planétaire I Will Wait.

« Je ne peux pas croire que ça fait déjà six ans. C'est incroyable combien le temps passe vite, on a attendu bien trop longtemps ! », s'exclame Ted Dwane, bassiste de la formation britannique, en entrevue téléphonique.

Le contexte était passablement différent lorsque Marcus Mumford et ses complices ont débarqué au Centre Bell, lundi soir. D'une part, le spectacle lui-même n'a rien à voir avec celui d'Osheaga. Pour la première fois, les Londoniens se sont lancé le défi de trimballer partout dans le monde une offre beaucoup plus ambitieuse que lors de leurs tournées précédentes, faisant le pari de jouer sur une immense scène centrale. 

« Il a fallu s'habituer à travailler avec la foule de tous les côtés, mais c'est incroyable d'être aussi près des gens, souligne Ted Dwane. On a retiré beaucoup d'accessoires de la scène, si bien qu'on a de l'espace pour se déplacer. J'en profite particulièrement avec ma double basse. C'est comme si on nous lâchait sur scène à chaque spectacle. C'est magique. »

Le groupe a toutefois dû composer avec une période d'adaptation, si bien que quelques spectacles prévus au Royaume-Uni en tout début de tournée ont dû être reportés, car l'équipe technique avait sous-estimé les contraintes liées à l'imposante quantité de matériel nécessaire à l'installation de la scène. Des ajustements ont depuis été apportés, et la portion nord-américaine de la tournée se déroule comme prévu.

Accueil mitigé

À Montréal, Mumford and Sons est venu défendre son plus récent opus, Delta, lancé en novembre dernier. Renouant avec le folk de ses débuts - après un détour rock pour le disque précédent Wilder Mind -, la formation a emprunté un virage plus expérimental avec ce quatrième album, produit par Paul Epworth, qui travaille également avec Adele et Coldplay.

Ainsi, à la guitare et au banjo auxquels on pouvait s'attendre, s'ajoutent des influences électros, voire hip-hop, sur certains titres. Le résultat a été accueilli de manière mitigée par la critique. Le magazine Rolling Stone s'est demandé si Mumford and Sons ne s'était pas laissé « dépasser par ses ambitions ».

Cela ne fait toutefois ni chaud ni froid à Ted Dwane, qui affirme que l'album trouve tout son sens en concert. « Certaines chansons nous donnent des moments en spectacle que nous n'avions jamais vécus avant », affirme-t-il. 

« Quand on enregistrait l'album, on n'avait hâte qu'à une chose : le présenter sur scène. »

- Ted Dwane

« Et de toute façon, l'objectif d'un groupe de musique n'est pas de toujours reproduire la même chose », ajoute-t-il. 

En studio, Mumford and Sons a donné carte blanche à Epworth, voyant en lui « le cinquième membre du groupe », mais s'est néanmoins impliqué dans toutes les étapes de la création et du mixage.

Assumant ouvertement un processus de création « organique » fondé sur la lenteur, le groupe a enregistré « de 5 à 25 » versions de chaque pièce, jusqu'à trouver le son exact qui était recherché. « On ne s'est donné aucune directive sur le style recherché. On ne faisait qu'écrire des chansons et les essayer de différentes manières, comme autour d'un feu de camp », se rappelle Ted Dwane.

Il faut croire que la formule a plu au groupe, car il est déjà de retour en studio pendant une pause de tournée, une nouvelle fois chez Paul Epworth. C'est la première fois que la formation renoue aussi vite avec l'enregistrement après le lancement d'un album. « On avait écrit énormément de chansons pour Delta, et on sentait qu'on avait encore beaucoup de travail devant nous pour la suite, raconte le bassiste. On veut que ce feu-là continue à brûler. »