Jon Matte a passé quelques semaines dans l’Ouest canadien, l’hiver dernier. À Vancouver, le meneur du collectif The Franklin Electric a enregistré une dizaine de nouvelles chansons à la fois intimes et universelles. Cinq d’entre elles se trouvent sur le mini-album In Your Head, qui paraît demain. 

En Colombie-Britannique, le chanteur a aussi pris le temps de se détendre. Loin du studio. « Il m’est arrivé par le passé d’enregistrer et de n’avoir aucun plaisir, raconte le Montréalais, naviguant entre son anglais maternel et un très bon français. C’était stupide, je ne veux pas travailler sans plaisir. » 

Il a alors sillonné Vancouver, surfé sur les montagnes britanno-colombiennes, profité du plein air, exploré la « superbe » nature, navigué sur le Pacifique (et vu des otaries). « Ça nourrit l’âme, dit-il. Quand tu vas t’enfermer en studio ensuite, tu as quelque chose de bon [à exploiter]. » 

Pourquoi Vancouver ? Pour travailler avec le producteur Howard Redekopp (gagnant d’un prix Juno, deux fois nommé aux Grammy), à qui il avait déjà eu affaire, sans que leur précédente collaboration se concrétise. Un peu pour fuir l’hiver québécois aussi, rit Matte. 

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Jon Matte est auteur-compositeur-interprète, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Pour In Your Head, il a écrit, composé, joué de la plupart des instruments (une première), travaillé les arrangements et coproduit l’album. 

Alors que son contrat avec la maison de disque Indica venait de prendre fin, l’artiste a pris le risque (financier surtout) de se lancer quand même dans la confection de son album. 

En chemin, il a rencontré des gens du label vancouvérois Nettwerk, et « ça a été un bon match, on a signé avec eux », raconte-t-il. « Il a fallu que je m’engage dans un couloir sombre sans savoir ce qui m’attendait au bout, observe-t-il, avec le recul. Ça a payé. Parfois, il faut faire confiance à ce que l’univers met sur ta route. »

Confiance en soi

Nous interviewons Jon, installés sur un sofa un peu trop bas, devant les instruments de son groupe, placés en demi-cercle dans la grande salle du studio La Traque.

C’est là que les membres répétaient en début de semaine pour le spectacle de lancement à guichets fermés de l’EP de ce soir, à l’Astral. Ils pratiquaient aussi le set qu’ils joueront à Osheaga dimanche, un peu moins long et « pensé différemment » (grande scène extérieure oblige). 

Le groupe présentera une demi-douzaine de nouvelles chansons. Rien de trop angoissant pour Jon – une quinzaine de minutes de conversation nous apprennent qu’il ne se laisse pas facilement chambouler. « Je n’ai pas peur », dit-il, comme une évidence.

C’est qu’il crée de la musique avant tout pour lui-même. 

J’ai fait ce que je voulais, j’ai respecté mon art et je ne peux pas être bloqué par des craintes.

Jon Matte, à propos du nouvel EP de son groupe The Franklin Electric

Le nouveau matériel ressemble aux deux premiers albums de la formation. L’indie-folk est là, entrelacé à la pop. Les tonalités rock aussi, dans une moindre mesure. La guitare s’est permis de rester acoustique et sans artifice, le temps d’une chanson. Ce qu’on n’avait pas entendu chez The Franklin Electric depuis son premier opus, This Is How I Let You Down, qui lui avait valu une nomination aux prix Juno. 

La tête contre le cœur

Le nouveau chapitre du collectif s’écrira en deux temps. Le premier morceau nous arrive donc demain, sous la forme de cet EP, In Your Head. Plus tard viendra s’y emboîter un autre opus court. Ainsi prendra forme la vision de Jon Matte : un tableau évoquant l’équilibre entre « ce qu’on a dans la tête et ce qu’on porte dans notre cœur ». 

L’auteur-compositeur-interprète s’explique : pour lui, il est essentiel de « laisser tomber cette idée de soi-même dans son esprit, pour découvrir son vrai soi, dans son for intérieur ». « Mais c’est tout un processus pour en arriver là », soulève-t-il. Parce que nous avons tous trop bien appris à dissimuler ce que nous sommes vraiment derrière « l’idée que nous avons de nous-mêmes ».

Les nouvelles chansons de The Franklin Electric reflètent cela : l’acceptation de la vulnérabilité et le face à face avec « ce qu’on est vraiment ». Un hymne à l’amour… de soi.

La chanson Made It Up in Your Head, premier extrait du mini-album (depuis, I’ve Been Here Before a suivi), nous met face à ce mur que l’on dresse pour se conforter dans nos idées, se protéger et se faciliter la vie. « Le jour où tu laisses aller tout ça, tu seras libre », croit l’artiste. 

The Franklin Electric se lance dans l’introspection avec ce troisième projet, à la lumière des réflexions et réalisations de son meneur. « J’aime dévoiler des parties de moi à moi-même », dit Jon Matte. Mais il s’est abstenu d’aller piocher trop loin dans les « choses très personnelles ». Il effleure plutôt des émotions universelles. « J’aime aussi dire les choses que tout le monde a peur de dire », ajoute-t-il. 

Maître de ses projets

Jon Matte est auteur-compositeur-interprète, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg. Pour In Your Head, il a écrit, composé, joué de la plupart des instruments (une première), travaillé les arrangements et coproduit l’album. 

Ce projet, il émane totalement de lui. « Je suis très ambitieux, dit-il. En studio, j’ai une vision ferme. »

Quant au band, il est primordial. « Je crois en cette chimie entre musiciens, explique Matte, qui puise dans cette connexion pour s’inspirer. Je n’ai jamais voulu être juste un chanteur-auteur-compositeur. Sinon, je me serais présenté en tant que Jon, pas The Franklin Electric. » 

En concert dimanche, à 14 h 15, au festival Osheaga