Pour l'un des fondateurs du Festival international de jazz de Montréal, c'est bien plus que la «reine du soul» qui s'est éteinte jeudi matin. André Ménard qualifie Aretha Franklin d'artiste universelle qui laisse dans le deuil tout le monde de la musique.

Aretha Franklin fait évidemment partie des 24 membres du temple de la renommée du Festival international de jazz de Montréal (FIJM), dans le cadre duquel elle s'est produite en 2008, puis en 2014.

M. Ménard soutient qu'Aretha Franklin n'aimait pas beaucoup partir en tournée et qu'elle ne prenait jamais l'avion. Pour l'attirer, il fallait donc qu'elle soit dans les parages autour des dates souhaitées. Les conditions gagnantes ont finalement été réunies en 2008, de sorte que la chanteuse originaire de Memphis a pu offrir deux prestations à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

«Quand ça s'est fait en 2008, on était très contents, se rappelle André Ménard. Le show de 2008 était super beau!»

Celui qui est aujourd'hui vice-président de l'équipe Spectra et du FIJM soutient que le passage d'Aretha Franklin à Montréal a fait beaucoup d'envieux, notamment en Europe. Le Festival de jazz de Montreux, en Suisse, aurait même offert à l'artiste de mettre son véhicule de tournée sur un bateau afin de traverser l'Atlantique avec ses biens et sa nourriture. Elle aurait refusé ce pont d'or, d'après M. Ménard, car madame Franklin ne faisait pas ce qu'elle n'avait pas envie de faire.

Deuxième visite moins réussie

«En 2014, c'était assez confus ce show là, pas très grandiose...», avoue l'organisateur.

André Ménard rappelle que ce concert constituait la reprise de celui qui avait été annulé l'année précédente en raison du cancer qui affligeait Aretha Franklin. Il ajoute qu'à cette période, celle qui vient de s'éteindre à l'âge de 76 ans avait fait le vide autour d'elle. Elle n'avait plus d'entourage professionnel pour s'occuper des questions de logistique.

«C'est elle-même qui appelait au bureau pour régler les voyages et les hôtels, précise-t-il, encore stupéfait. C'est un peu spécial. On n'a pas l'habitude de parler directement à des vedettes comme ça!»

Le soir du 2 juillet 2014, les spectateurs ont à leur tour été étonnés lorsque la diva a lancé sa perruque dans la foule pendant son interprétation de la chanson Respect en rappel.

M. Ménard explique que les musiciens sur scène étaient à la fois ceux de l'artiste et des musiciens locaux. De plus, des bandes sonores remplaçaient certains instruments. Ce niveau de complexité, jumelé au fait que Mme Franklin n'aurait pas fourni les bonnes instructions aux techniciens de son, ont donné une trame musicale qui a provoqué la colère de la chanteuse, au point où elle a interprété son dernier morceau à partir des coulisses.

«C'était un peu étrange... On peut parler d'un show échevelé...»

Plus sérieusement, notre expert raconte que la légende avait amorcé un certain déclin à ce moment et qu'elle avait un côté imprévisible dans les dernières années.

Exception qui confirme la règle

Malgré cet écart de conduite, le fondateur du FIJM retient surtout qu'Aretha Franklin aura été «une dame très particulière, une très grande artiste» qui laisse des enregistrements qui vont traverser les époques.

André Ménard souligne la polyvalence de l'artiste afro-américaine, qui s'est initialement révélée dans des chansons R&B et soul, avant de chanter du jazz et du gospel, notamment. Il souligne son registre vocal étendu, ainsi que sa fougue et son énergie qui étaient si caractéristiques.

D'après M. Ménard, son influence sur les plus jeunes chanteuses et la scène du «new-soul» est indéniable.

«Que serait tout ça sans Aretha Franklin? Qu'aurait été Whitney Houston sans Aretha Franklin? C'est quand même elle qui a tracé la voie à ce style musical très empreint d'émotions, mais aussi de performance vocale.

«Je pense qu'elle appartient au panthéon de la grande musique noire américaine, au même titre que Miles Davis, Ray Charles et Ella Fitzgerald.»