MC Seba s'est fait connaître avec Gatineau et Cargo Culte. DJ Horg a joué dans Watatatow avant de devenir le bras droit de Samian. Avec le succès instantané de sa chanson Vintage à l'os, le duo est la preuve qu'il y a une forte demande pour le rap adulte. De la nostalgie ? Plutôt un hommage au rap des années 90 et à l'ère pré-internet.

Nous sommes assis sur une banquette du restaurant Fameux, l'un des seuls établissements qui tiennent le coup à l'intersection mythique de la rue Saint-Denis et de l'avenue du Mont-Royal.

« Le Rapido est fermé, La Boîte noire aussi, mais le Quai des brumes est encore là », lance Horg, en regardant à l'extérieur.

« Avant, il y avait le Café Central », ajoute Seba, en montrant du doigt ce qui est devenu le bar La Rockette.

Ils ne sont pas les seuls à aimer le vintage, comme en témoigne l'accueil favorable réservé à leur album Grosso-Modo, sorti en février dernier. Leur chanson Vintage à l'os est même en forte rotation sur les ondes FM.

Qui est « vintage à l'os » ? Dixit le tube, c'est quelqu'un qui s'est « levé pour changer de poste », qui a joué à Mario Bros. et qui connaît Eric Lindros et Kris Kross.

« On se doutait que nos chansons allaient faire leur chemin, car on s'adresse à des gens oubliés, dit Horg. Mais on ne pensait pas que ça allait être aussi instantané. »

« En 24 heures, la chanson jouait à la radio », précise Seba.

Avec un son boom bap, du scratch et des textes rassembleurs, Seba et Horg voulaient s'adresser à un public rap mature, mais aussi au grand public.

« Dans le fond, on s'adresse au même public que 2Frères, Éric Lapointe et les Cowboys... », dit Seba.

Vingt ans plus tard

Seba et Horg ont fait connaissance au milieu des années 90 au cégep du Vieux Montréal. Le hip-hop, c'était toute leur vie. Ils vouaient un culte à la bande originale du film La haine et ils faisaient des graffitis partout en ville.

Or, les deux jeunes hommes se sont perdus de vue... « Il n'y avait pas Facebook dans ce temps-là », rappelle Horg.

Entre-temps, Seba s'est fait connaître au sein des groupes Gatineau et Cargo Culte. De son côté, Horg est devenu le bras droit de Samian.

En 2008, les deux amis du cégep se sont recroisés à la fête suivant le gala de l'ADISQ. Une autre dizaine d'années a passé, puis Seba a assisté à l'enregistrement de l'émission de radio Sur le corner, animée par Horg sur les ondes de CIBL.

Les astres étaient alignés pour que le MC et le DJ s'unissent pour créer du « rap ludique, qui ne se prend pas au sérieux », dit Horg. « Du rap où on assume que nous ne sommes pas jeunes, mais sans faire de politique ou de morale. »

Chroniques du quotidien

Les chars, l'alcool fort et les nuits sur la corde à linge ? Très peu pour Seba et Horg, qui ont 43 et 44 ans. Le premier parle de sa calvitie dans la chanson Rappeur chauve. Le deuxième rappelle avoir incarné le méchant Bérubé dans la série Watatatow, dans la pièce d'introduction Grosso-Modo. Une chanson s'intitule Magasin à 1 $. Une autre raconte une virée dans l'autobus 45 qui monte et descend l'avenue Papineau.

Des chroniques du quotidien, quoi. Sans filtre et sans bravade.

« C'est thérapeutique, dans le fond, lance Horg. On ne peut plus se prendre pour des jeunes. »

Du temps qu'on s'ennuyait

Seba et Horg sont heureux d'avoir grandi dans les années 90 avant l'internet et les téléphones intelligents. « Je faisais deux heures d'autobus pour aller à Laval chez un gars que je ne connaissais pas qui avait pris des photos de graffitis à New York », se souvient Horg.

« Je prenais le bus de Terrebonne pour aller acheter une cassette de Sonic Youth à L'Oblique. Nous étions avares de connaissances et de découvertes... mais il fallait aller les chercher », renchérit Seba.

Or, les réseaux sociaux ont créé une immédiateté et une dictature du plaisir. « Ma créativité, je la dois beaucoup au fait que je me suis ennuyé », souligne Horg, qui est enfant unique.

« Nous marchions dans l'espoir de rencontrer quelqu'un, se souvient Seba. Tu te laissais aller par la vie... le hasard du quotidien. »

Au cégep, Seba et Horg savaient qu'ils avaient la chance de croiser des amis au « Second Cup du coin Maisonneuve et Saint-Denis ».

Nostalgiques ? Pas du tout. Les deux hommes aiment le Québec et leur vie d'aujourd'hui. Seba gère une entreprise d'affichage et enseigne le slam dans des centres jeunesse.

« Je trouve cela merveilleux, d'avoir 40 ans. J'ai de la sagesse, je relativise les choses et je suis en pleine possession de mes moyens », conclut Horg.

Au Club Soda le 12 juin dans le cadre des FrancoFolies, avec Dubmatique