Dumas nous attend dans le fond d'un joli café qu'il fréquente régulièrement, debout pour être bien certain qu'on ne le rate pas. Le chanteur est de bonne humeur et un peu fébrile, mais lorsque le photographe lui demande de poser, le temps s'arrête.

« J'aime ça, faire des photos, dit-il. Mon esprit s'en va ailleurs, ça me rend zen. » « Ça paraît quand les gens sont bien, ils sont toujours plus faciles à photographier », répond Marco, le perspicace photographe.

C'est vrai, Steve Dumas va bien. À 38 ans et après 20 ans de carrière, nouvellement sobre, le chanteur né à Victoriaville lance un nouveau disque, Nos idéaux, dans lequel il revient sur son passé. Celui de la vedette pop qu'il a été, à l'époque du « grand vertige » (la chanson Vertigo), mais aussi des questionnements qui ont suivi (À l'est d'Éden).

« J'ai vécu une vingtaine intense, dit celui qui a marqué la musique pop québécoise avec les albums Le cours des jours, en 2003, et Fixer le temps, en 2006. J'ai eu de grands succès, j'ai fait une série de 25 shows au National, j'ai fait la première partie de Bashung. J'ai réalisé beaucoup de rêves. »

Mais sa trentaine a été plus ardue. Quand on écoute les textes qu'il a coécrits avec l'auteur Jonathan Harnois, pas besoin de lire entre les lignes pour comprendre que Dumas est passé à travers une période difficile.

« Je n'étais pas nécessairement sur mon X. J'avais l'impression de faire du temps dans une zone un peu floue. »

Dumas n'est pas nostalgique, mais il a senti le besoin de se rappeler le gars qu'il était à 18 ans, à l'époque où il a gagné au Festival de la chanson de Granby. « Celui qui avait un amour de la chanson francophone et qui voulait faire de la musique inspirée de ses influences. »

Qu'est-ce qu'il aimerait dire au jeune homme qu'il était ? Il réfléchit. « D'en profiter. C'est vrai, quand tu es jeune, tu regardes toujours en avant ! Et même si la vie peut nous faire dévier de nos premiers idéaux, on peut rester proche de ses rêves si on n'oublie pas ce qu'on était au départ. »

Se mettre en danger

Dumas revient donc avec son groove habituel, plus de beatbox et moins de guitare, une tournée solo qui a déjà démarré et un album qui s'est construit de façon « viscérale ».

D'abord pour les textes, écrits à partir d'échanges avec Jonathan Harnois, dont il résulte des chansons plus personnelles que jamais. « Il m'a un peu scanné l'âme. » Puis au printemps dernier, Dumas est parti enregistrer son disque à New York. C'est le Montréalais Gus Van Go qui a réalisé son disque avec ses acolytes de Likeminds, Chris Soper et Jesse Singer.

« Quand Gus m'a écrit, j'étais perdu avec mes maquettes. Il m'a invité à New York, ils ont testé la chanson Mes idéaux et ça a clarifié bien des affaires. Pour la première fois, je me suis dit qu'il y avait la possibilité de faire un album avec ça. Je pense que ça paraît que ça s'est fait de façon naturelle. »

Pour celui qui se pose constamment la question de la pertinence, c'était un bon signe que « des gars de 32 ans, qui ne comprennent pas le français », aient envie d'écouter ses chansons.

« Mais je suis réaliste, je sais que c'est rare la pertinence avec le temps, dit ce mélomane qui s'est inspiré ici autant de Souchon que de The xx. Le long terme, surtout quand on a commencé jeune, c'est le grand défi. Une manière de durer est de se mettre en danger, ce que j'ai fait entre autres en partant avec mon sac à dos pour New York. »

Sobriété

Récemment, l'auteur-compositeur-interprète a déclaré en entrevue qu'il avait cessé de boire il y a un an. Quand on revient sur le sujet avec lui, il explique que cette décision, qu'il mijotait depuis longtemps, est en parfaite adéquation avec l'objectif de ce disque. « Pour rester pertinent, il faut essayer de s'améliorer. Je me suis rendu compte que ça passait aussi par là. »

« Quand j'ai arrêté de boire, je suis devenu plus efficace au niveau de la création. J'ai essayé de voir la vie sans filtre, de créer sans filtre. Avec la sobriété, tu ne peux pas te trouver d'excuse. »

Dumas était un buveur social, mais il s'était rendu compte que sa consommation d'alcool lui nuisait de façon de plus en plus sournoise. « Tout tournait autour de ça. » C'est lors du Mois sans alcool, il y a un an, qu'il a décidé d'arrêter.

« Après un mois, j'avais déjà vu le changement dans mon cerveau. Après, j'ai fait un deuxième mois, puis c'est devenu mon objectif. J'ai décidé de faire l'album comme ça, puis de monter le show comme ça. » Un an plus tard, il est passé « à travers tous les tests » et est rendu ailleurs.

« Depuis que j'ai recommencé à faire des spectacles, j'avoue qu'il y a eu des moments difficiles. Mais je suis content d'avoir arrêté. Mon père est décédé de ça, et je voulais bien vieillir. »

S'il accepte d'en parler, c'est qu'il assume et qu'il espère que ses propos pourront en aider d'autres. « Ça fait aussi partie du côté sans filtre de l'album. » Quelle vie lui souhaite-t-il, justement, à ce disque ?

« Quand j'ai rencontré Gus, je lui ai dit que mon rêve était de faire un autre album fort à l'aube de la quarantaine. Je voudrais que Nos idéaux ait sa place à côté du Cours des jours et de Fixer le temps. » A-t-il des regrets quand il regarde derrière ?

« Parfois, il faut avoir le vent dans la face pour créer quelque chose de nouveau. C'est sûr que quand tu es dans la gravelle, tu te poses des questions. Mais j'ai eu un autre destin et je suis en paix avec ça. »Nos idéaux

Dumas

La Tribu

En vente dès vendredi