Fils de chrétiens fervents échoués en Saskatchewan, élevé dans un commerce de matériel électronique, cheveux longs, look attardé des années 70, timidité chronique, regard éteint. En bref, on prédirait à ce nerd idéal la plus discrète des professions.

Sans forcer, on imagine cet introverti reclus sa vie durant, terré dans un petit meublé, ou dans le cubicule d'une institution publique, ou encore derrière les murs d'étagères d'un entrepôt dont les patrons ont consenti à lui ficher la paix en échange de sa productivité.

Or, Andy Shauf déjoue ces pronostics et idées préconçues.

Par la qualité de son art chansonnier réparti sur deux maxis et trois albums dont l'excellent The Party (sélectionné dans la liste restreinte du prix Polaris 2016), par ses grandes habiletés de conteur intime, par l'hypersensibilité de ses observations, la délicatesse de sa plume, l'excellence de ses constructions chansonnières, par le «tone» très personnel de sa guitare, la finesse de ses choix harmoniques, la solidité de ses ponts, la sophistication de ses arrangements, par sa voix douce, haut perchée, irrésistiblement communicative, cet artiste pulvérise tous les possibles préjugés à son endroit.

Enfin, presque tous. Vendredi soir au National, Andy Shauf a formulé deux ou trois phrases pendant son entier spectacle. A regardé son pied de micro du début à la fin. N'a à peu près pas bougé. S'est camouflé sous des éclairages qui l'ont rendu évanescent.

Quoi qu'il en fut, à peu près tous ses fans (dont plusieurs récemment conquis) ayant rempli à craquer l'amphithéâtre semblaient comblés par les exécutions magnifiques de ses chansons magnifiques.

On n'a pas eu droit à la totale des arrangements studio, le chanteur et songwriter n'a pas encore les moyens de se payer des compléments orchestraux en tournée, cela ne saurait tarder. Or, malgré la réduction d'orchestre, cet artiste très doué réussit à créer une orchestration excitante et créative pour guitare, basse (Josh Daignaut), batterie (Olivier Fairfield - Timber Timbre, Fet.Nat) et clavier (Colin Nealis). 

Tout est ici question de textures, de timbres, d'expression vocale, de petits ornements, de calibrage. Tout est ici question de talent. Tout fonctionne à merveille dans la bulle d'Andy Shauf.

On se plaît à affirmer le déclin inéluctable de l'indie folk pop, certains nous rappellent que tout y est encore possible. Il faut alors faire acte d'humilité. Et applaudir sans réserves.

LISTE DES CHANSONS

Alexander All Alone (The Party)

To You (The Party)

Quite Like You (The Party)

Twist Your Ankle (The Party)

You're Out Wasting (The Bearer of Bad News)

Drink My Rivers (The Bearer of Bad News)

Early To The Party (The Party)

The Worst in You (The Party)

Begin Again (The Party)

Martha Sways (The Party)

Jenny Come Home (parue en 2015)

Eyes of Them All (The Party)

The Magician (The Party)

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Wendell Walker (The Bearer of Bad News)