Noel Gallagher est un fan fini de Johnny Marr, un gars de Manchester comme lui, qu'il connaît depuis toujours et qui est lui aussi un farouche partisan de l'équipe de soccer Manchester City. Ce n'est pas un hasard si on entend la guitare de l'ex-Smiths sur la réjouissante Ballad of The Mighty I, la toute dernière chanson du nouvel album de Gallagher, Chasing Yesterday.

Marr a dit récemment que le deuxième album de son ami Gallagher représentait un défi encore plus considérable que le premier dans l'édification de sa carrière solo. Pourtant, au téléphone, le créateur de la plupart des grandes chansons d'Oasis n'a pas l'air d'un gars tendu mais plutôt d'un artiste convaincu que son nouveau disque est une réussite. S'il tient pour acquis que Chasing Yesterday n'obtiendra pas le même succès que son prédécesseur simplement parce que les disques se vendent moins qu'il y a quatre ans, ça semble être le cadet de ses soucis.

«Il y a plus de solos de guitare sur celui-ci que sur le premier et, si vous sortez le CD de la pochette, vous verrez qu'il est un peu plus rond que le précédent», dit-il dans une boutade typique de son personnage. Mais Chasing Yesterday donne d'abord l'impression que l'aîné des frères Gallagher s'est permis d'explorer d'autres avenues en ne niant surtout pas l'influence des artistes qui l'ont toujours marqué.

Plutôt que de rivaliser avec les disques d'Oasis ou son premier album solo, Noel Gallagher a tout simplement regroupé sur un disque les meilleures chansons qu'il avait sous la main. «En cours de route sont apparues des chansons auxquelles on ne m'associerait peut-être pas, comme The Right Stuff et Riverman», ajoute-t-il.

The Right Stuff est en plein le genre de «space jazz» dont se moquaient volontiers Noel et son frère Liam quand on leur reprochait de faire du rock qui ne renouvelait pas le genre. «Même si The Right Stuff est aux antipodes de Supersonic, si vous m'avez accompagné dans mon parcours musical, c'est juste une autre très bonne chanson. Ce n'est pas comme si j'essayais à tout prix de faire quelque chose de différent ou de faire progresser mon son. Ce ne sont que des chansons», ajoute Noel Gallagher en riant.

Sa meilleure chanson

Le saxophone dans Riverman rappelle le Pink Floyd des années 70, un choix tout à fait assumé puisque l'artiste-réalisateur a fait entendre à son saxophoniste les albums Dark Side of the Moon et Wish You Were Here pour qu'il comprenne bien ce qu'il désirait. «Je sais que des gens vont dire "un instant, il y a eu Wonderwall", mais, selon moi, Riverman est certainement la chanson la plus intéressante que j'ai écrite et réalisée de ma vie», affirme-t-il.

Dans The Girl With the X-Ray Eyes, Gallagher fait revivre brillamment le Bowie de l'époque Ziggy Stardust avec, en prime, un solo de guitare que n'aurait pas renié le regretté Mick Ronson. Mais ça demeure du Noel Gallagher, l'un des fabricants de chansons les plus doués d'un pays qui en a connu quelques-uns depuis Lennon et McCartney.

«Bob Dylan l'a dit récemment: si tu apprends à jouer de la guitare et que tu commences à écrire de la musique, comment peux-tu ne pas être influencé par les disques que tu as écoutés? Ceux qui affirment qu'ils font quelque chose d'original sont ou bien pas très bons ou de foutus menteurs. Moi, j'ai grandi en écoutant les Sex Pistols, les Beatles, les Kinks, les Who, les Stone Roses, David Bowie et plein d'autres et toutes les chansons que j'ai écrites, avec Oasis ou par la suite, possèdent des éléments de cette musique que j'ai écoutée.»

«Je ne me considère pas comme un artiste, ajoute-t-il, je dirais plutôt que je suis un fan de musique qui a un don pour en écrire.»

Il y a également sur Chasing Yesterday une chanson très rock, Lock All the Doors, qui plaira aux fans du Oasis des débuts.

«J'ai écrit le refrain de Lock All the Doors à Paris juste avant de me joindre à Oasis, il y a donc plus de 23 ans. J'ai donné des couplets aux Chemical Brothers pour leur chanson Setting Sun et je ne l'ai jamais vraiment achevée. Elle devait être sur Definitely Maybe et sur... Morning Glory, mais elle n'était toujours pas terminée. J'ai essayé de la ressusciter vers la fin d'Oasis sans y parvenir. Et puis, un jour, elle est tombée du ciel alors que je sortais d'un supermarché.»

Un rythme serein

Noel Gallagher est heureux et fier d'avoir fait partie d'un groupe de la stature d'Oasis. Mais il en avait marre de la démocratie à cinq voix qui, pendant dix ans, n'a retenu en moyenne que cinq des deux douzaines de chansons qu'il avait écrites pour chaque album.

Aujourd'hui, malgré la notion de groupe que suggère le nom High Flying Birds qu'il accole à son aventure solo, Gallagher est le seul maître à bord: il a réalisé son album tout seul comme un grand et, à l'exception de son batteur, il s'entoure de musiciens différents en studio et en tournée.

Par contre, cette liberté nouvelle lui permet notamment des bidouillages avec le duo de producteurs psychédéliques Amorphous Androgynous dont il a tiré la chanson The Mexican, très stonienne. Il a même proposé à d'autres artistes, dont Massive Attack, de remixer ses nouvelles chansons. Si le résultat est probant, ces relectures pourraient être regroupées dans un mini-album.

«Je fais les choses à mon propre rythme qui n'est ni rapide ni lent, juste serein», précise-t-il.

«Sur le plan créatif, je ne pourrais pas faire marche arrière. Parfois, la camaraderie du groupe et la possibilité de jouer dans des stades me manquent, mais je l'ai déjà fait et je suis content de ne pas être George Ezra.»

Noel Gallagher entreprendra une tournée nord-américaine à Toronto les 3 et 4 mai, mais aucun concert n'est prévu à Montréal pour l'instant.

ROCK

Noel Gallagher's High Flying Birds

Chasing Yesterday Sony

Sortie mardi