«Quand on a créé Igloofest, on ne pensait pas que ça allait devenir aussi fort, mais c'est inscrit dans notre ADN d'aller jouer dehors dans la neige.»

Michel Quintal, directeur artistique d'Igloofest, n'est pas le seul à être agréablement surpris par le succès du festival de musique électronique du Vieux-Port, qui s'étalera sur trois week-ends du 16 janvier au 8 février. À ses débuts en 2007, Igloofest avait peine à convaincre les DJ d'ailleurs à se produire en plein air par des températures qui pouvaient chuter jusqu'à - 40 oC aux abords du Saint-Laurent.

«Aujourd'hui, les agences nous appellent pour nous proposer de gros noms, raconte Quintal. Ces artistes font de 100 à 200 spectacles par année, dont la moitié dans des clubs, mais rien ne ressemble plus à un club qu'un autre club alors qu'Igloofest, c'est totalement différent.»

Pascal Lefebvre, président d'Igloofest, n'oubliera pas de sitôt la réaction des membres du groupe portugais Buraka Som Sistema quand ils ont fait leur balance de son en plein jour par une température de - 25 °C. «Il n'y avait personne sur le site et ils se demandaient bien dans quoi ils s'étaient embarqués. Mais quand ils sont montés sur scène et qu'ils ont aperçu la foule de 9000 à 10 000 personnes, leurs gueules ont changé du tout au tout. Il s'est produit la même chose avec Claude VonStroke l'an dernier. Cet événement devient magique parce qu'il fait froid.»

En croissance

À sa neuvième année, Igloofest connaît une croissance remarquable. Ses soirées attirent en moyenne 8000 personnes, comparativement à 5000 pour les rendez-vous quotidiens de son cousin estival, le Piknic Électronik au parc Jean-Drapeau. Chaque année, on établit un record d'assistance. Comme on a remplacé cette année la soirée du jeudi, moins populaire, par celle du dimanche, on devrait sans peine abaisser la marque de 86 000 spectateurs et peut-être même frôler le chiffre magique des 100 000.

Igloofest propose également cette année une zone VIP pour satisfaire son «vieux» public des premières années, les 28-35 ans qui ont envie d'une expérience un peu plus confortable avec un peu plus de place pour danser, du chauffage... «C'est une façon d'augmenter nos revenus mais aussi de garder notre clientèle», explique Quintal.

Igloofest dispose d'un budget de 3 millions, environ le double de celui du Piknic qui s'étale, lui, sur quatre mois. Les coûts sont évidemment plus élevés en hiver, mais Igloofest peut également se permettre une programmation plus riche avec des artistes internationaux mieux connus.

«Au Piknic, on peut programmer des trucs qui nous coûtent de 3000 à 4000$ et qui, deux ou trois années plus tard, exigent 20 000 ou 25 000$. On peut donc seulement les inviter à Igloofest», explique Michel Quintal.

Une destination touristique

L'événement transcende le genre musical. «À peine 50% des gens qui viennent à Igloofest se disent fans de musique électronique», précise Quintal.

Contrairement au Piknic Électronik qui attire des visiteurs déjà de passage à Montréal, Igloofest peut être une destination touristique à cause de sa spécificité hivernale. Il y a quelques années, 200 amateurs d'électro argentins ont nolisé un avion pour être du rendez-vous montréalais.

Le Piknic Électronik a déjà des satellites à Barcelone et Melbourne et a d'autres projets d'expansion, principalement en Europe et en Amérique du Sud. Igloofest pourrait lui aussi s'exporter par la suite, notamment dans les Alpes, les pays scandinaves ou en Europe de l'Est. On se prépare d'ailleurs à accueillir un producteur de Varsovie cet hiver.

Les organisateurs du Piknic et d'Igloofest reconnaissent que leurs deux festivals se sont bâtis grâce à l'apport des DJ locaux. Depuis l'an dernier, on leur a construit une deuxième scène qui a des allures de club à ciel ouvert.

Parallèlement, de plus en plus d'artistes d'ici effectuent une percée importante sur la scène électro internationale depuis quelques années.

«Kaytranada, un petit gars de Laval qu'on avait programmé à Piknic il y a quelques années, a une émission sur BBC Radio 1, Lunice tourne partout dans le monde et a collaboré avec Diplo, et il y a évidemment Jacques Greene et Tiga, rappelle Quintal. On provoque également des rencontres comme celle de Prince Club qu'on a programmé avec Riva Starr et qui a signé par la suite un contrat avec le label de cet artiste italien. Quand ces rencontres fonctionnent, nous sommes très fiers de voir le potentiel de ces artistes se développer à l'extérieur de Montréal.»

Les suggestions de Michel Quintal

OLIVER HELDENS, le 25 janvier

«Ce DJ néerlandais de 19 ans en sera à sa première présence à Montréal. Inconnu en 2013, il occupe aujourd'hui le 34e rang du top 100 du magazine DJ Mag. C'est d'autant plus remarquable que la carrière d'un DJ se construit habituellement sur quelques années, le genre étant moins propice aux étoiles instantanées que la musique pop.»

JOHN DIGWEED, le 30 janvier

«À 48 ans, le DJ anglais John Digweed est un vieux de la vieille. Dans les années 90, il a formé avec Sasha un duo très populaire avant de mener une carrière solo. Si le public d'Igloofest doit composer avec le froid, il a l'avantage de voir un artiste comme Digweed pour le tiers du prix qu'il aurait payé dans un club il y a quelques mois.»

LUCIANO, le 8 février

«Un très gros nom pour la soirée de clôture de l'Igloofest. Cet artiste aux racines suisses et chiliennes s'est produit souvent à Montréal. Issu de l'école un peu plus intellectuelle de la musique électronique, il s'en est un peu dissocié ces dernières années, ce qui lui a permis de gagner en popularité.»