Bien des professionnels ont leur violon d'Ingres. Mais Jean-François Bélanger n'est pas comme les autres. Dans ses temps libres, le psychiatre joue d'une vingtaine d'instruments de musique, et pour lui, c'est plus qu'un simple passe-temps. Quand il n'est pas en train de soigner ses patients ou de s'occuper de son fils, il compose de la musique d'inspiration traditionnelle avec la minutie d'un orfèvre pour en faire des disques prisés des mélomanes.

La première chose qui frappe quand on rencontre ce docteur musicien aux cheveux roux, c'est son calme. D'une voix douce, il nous parle de sa démarche et nous montre sa collection d'instruments. Le médecin, qui a même fondé sa propre maison de disques, affirme ne plus pouvoir vivre sans la musique. Une passion qui ne date pas d'hier.

«Enfant, j'ai fait du violon classique pendant des années, mais ce n'était pas ma branche, raconte-t-il. Je n'avais pas un grand talent pour le classique et je préférais jouer à l'oreille. Adolescent, j'ai abandonné le violon pendant trois ou quatre ans et j'ai recommencé en autodidacte quand j'ai découvert la musique celtique et traditionnelle. C'était un vrai coup de coeur. Après, j'ai continué à explorer les traditions musicales du monde.»

À 20 ans, il enregistrait son premier disque de compositions. En 10 ans, il a fait trois albums, mais le début de sa pratique comme psychiatre et des circonstances personnelles l'ont obligé à délaisser la musique, encore une fois, pendant quelques années.

Dix ans séparent donc ses deux derniers opus. Le plus récent, qu'il vient de passer trois ans à ciseler, porte un titre évocateur: Les vents orfèvres. Ce quatrième album est aussi le premier volet d'un diptyque.

Il va sans dire que la musique et la médecine sont deux disciplines exigeantes et difficiles à concilier, admet Jean-François Bélanger. Surtout avec les règles qui imposent des quotas aux médecins. La situation se corse d'autant plus qu'il est père d'un petit garçon dont l'état de santé requiert des soins particuliers.

«J'ai réduit ma pratique depuis quelques années, surtout pour m'occuper de mon fils, dit-il. Avec les normes du Dr Barrette, je serai sûrement considéré comme un paresseux, mais être une usine à patients, ce n'est pas pour moi. À travers tout cela, je me suis aménagé du temps pour faire de la musique parce que j'ai découvert que j'en avais besoin pour mon équilibre. Quand j'arrête d'en faire, je dépéris. C'est une façon de m'exprimer et de présenter ce que je conçois de l'être humain. C'est sans doute pour ça que mes compositions sont assez imagées. Elles reflètent ce que j'ai besoin de montrer et de partager.»

La collection

Dans l'appartement de Jean-François Bélanger, une collection d'instruments occupe une pièce entière. Il en possède une trentaine, surtout à cordes, de différents pays: nyckelharpa, tenorharpa, dulcimer à marteaux, harmonium, balalaïka, bouzouki, sitar, mandoline, concertina, violon d'Hardanger et diverses guitares. Certains ont été ramenés de voyages, d'autres achetés à des immigrants, ici à Montréal.

Mais pour trouver une nyckelharpa, instrument vedette de son dernier disque consacré à la musique scandinave, il a dû s'adresser à un luthier en Suède. Cet instrument appartenant à la famille des vielles était répandu en Europe au Moyen Âge, puis il a presque disparu, sauf en Suède.

«Ç'a été toute une aventure de me le procurer, en 2000. Ces instruments sont fabriqués sur mesure. Il a fallu que je trouve un interprète, car le luthier, assez âgé, ne parlait que le suédois. Certaines cordes de mon instrument sont faites avec du fil pour la pêche au requin devenu introuvable depuis que je l'ai eu et, en plus, mon luthier est aujourd'hui décédé.»

Les vents orfèvres est donc le fruit d'une patiente quête semée d'obstacles: trouver l'instrument, le temps, l'inspiration et les partenaires. Pour l'enregistrer, il s'est entouré de musiciens aguerris, dont la gambiste Susie Napper et des membres du Quatuor Claudel-Canimex.

Pour lui, la production d'albums n'est pas une démarche mercantile, mais une façon de partager de la musique instrumentale qui, sinon, serait peu diffusée. C'est pour cela qu'il a fondé sa petite maison de disques, les Productions de l'Homme-Renard.

«J'aime être en contact avec les spectateurs. Pour moi, les concerts sont des rencontres très satisfaisantes. Les gens qui se déplacent pour m'entendre sont très attentifs. Je ne suis pas connu et c'est difficile de percer, mais, petit à petit, mon disque fait son chemin et les portes des salles de concert commencent à s'ouvrir.»