Pour les cinéphiles, le nom peut évoquer des femmes indomptables. La Scarlett O'Hara (Vivien Leigh) du film Gone with the Wind, dont la mère était Franco-Américaine. Et Calamity Jane, personnage bien réel du temps de la ruée vers l'Ouest que Hollywood a élevé au rang de mythe avec des actrices mieux connues pour leurs qualités plastiques - Jane Russell, Yvonne de Carlo - que pour la précision de leur tir à la carabine.

Scarlett Jane, ici, donc... En une semaine et deux petites apparitions au Upstairs de la rue Mackay, le duo ontarien a capté l'oeil et l'oreille de maints observateurs du showbiz. Au cours d'une soirée privée d'abord, où elles sont venues célébrer le cinquième anniversaire de SIX Média, leur antenne montréalaise, avec quelques vedettes de la maison de Simon Fauteux: Elizabeth Shepherd, Julie Lamontagne et Émilie Claire Barlow. Belle fête où Fauteux, un monsieur avec du pif, s'est fait poser quarante fois la même question: «C'est qui, ces filles-là?»

Celle de gauche s'appelle Cindy Doire, une francophone de Timmins dans le nord-ouest de l'Ontario, ville de mines d'or dont la plus illustre pépite a pour nom Shania Twain. Cindy Doire a déjà à son actif trois albums solo dont deux en français. Voix un brin éraillée, parfaite pour ce folk nature qu'elle peut brasser sans effort jusqu'au rock le plus énergique. La dame s'accompagne à la guitare, placée ces jours-ci à l'horizontale sur une table parce qu'une fracture récente l'oblige à porter une attelle au poignet droit, celui de sa main d'accords...

«L'attelle de Cindy ne fait pas partie de sa tenue de scène», précisera, pince-sans-rire, sa comparse Andrea Ramolo, une Torontoise d'ascendance italienne qui, avec ses deux CD solo, a ratissé le grand Canada au rythme de 200 spectacles par année qu'elle se «bookait» elle-même. Une «road warrior», la grande à droite, pour employer une expression du milieu. Raconteuse de talent, Ms. Ramolo est aussi guitariste (droitière, elle) et chante avec cette voix qui, aux premières notes, vous va droit au coeur.

Les deux Ontariennes auraient pu chanter sous le nom d'Andrea & Cindy ou les Whatever Sisters; elles ont choisi le nom de Scarlett Jane, leur création. C'est mieux. Mercredi, dans un Upstairs bondé, Andrea a raconté, en anglais parce que son français est encore hésitant: «Cindy et moi, on se connaît depuis longtemps. Il y a deux ans, on a quitté nos boyfriends en même temps et on s'est mises à écrire des chansons. Voici Aching Heart...»

Scarlett Jane, on le sent, est né dans la douleur, mais rarement entend-on des voix se fondre en si parfaite harmonie (aller à music.cbc.ca pour l'intégralité du CD Stranger, disponible par ailleurs sur iTunes seulement, jusqu'au 4 mars). Même si on comprend d'emblée, malgré la douceur du propos, que ces deux anges n'en sont pas vraiment, on revient sans cesse, pour qualifier leur communion vocale, à l'imagerie judéo-chrétienne des voix «célestes». Le ciel comme bonheur ultime, oui.

Mercredi, il fallait ajouter le violon tout aussi... aérien de Sahra Featherstone, merveilleuse mélodiste qui, par son archet coulant, a la capacité de faire disparaître quelques redondances rythmiques dans les compositions de Scarlett Jane. La Torontoise joue aussi, et fort bien comme on l'a entendu, de la petite harpe celtique.

Pour son premier spectacle à Montréal, Scarlett Jane avait un autre appui de taille: «Lisa». Lisa LeBlanc, oui, celle-là même dont la vie est caca. «Cindy et moi, on s'est rencontrées à Petite-Vallée», nous a raconté la souriante ambassadrice de Rosaireville. «C'est elle qui m'a donné mes premières bottes de cowboy...»

Mardi, Lisa LeBlanc, toujours le coeur grand comme ça, avait «drivé» de Moncton à Trois-Rivières pour accompagner les filles pour quelques pièces au banjo, «le pire instrument, tenez-vous loin de ça! C'est comme... the worst, man!». Ici, après une présentation hilarante, «Lisa» a chanté deux des quatre chansons de son «EP» anglais - «Ils appellent ça comme ça. Pas de ma faute, really...» - qui sortira au printemps.

Et, seule au banjo, Lisa LeBlanc nous a fait dresser le poil «drette su'es bras» avec une chanson intitulée You look like trouble but so do I! Le ton de la pièce nous porte à penser que, pour ce maxi (Extended Play) en anglais, la chanteuse va s'éloigner du trash folk qui l'a fait connaître ici. Pas de bad words comme elle a fait en français avec le hit que l'on sait et l'émouvant Câlisse-moé là!

C'est probablement une question de sonorité, de mise en bouche, mais il nous a semblé qu'elle était plus à l'aise dans le phrasé anglais. Des franco-durs le lui reprocheront, mais «Maxi-Lisa» va «stormer» le Canada et la majorité va applaudir. À cause du talent, de la «drive», du «commitment».

Pendant ce temps, Scarlett Jane va passer à Belle et Bum le 1er mars et les filles vont chanter la pièce française de leur CD, Mon coeur se brise, la traduction de leur premier simple (Aching Heart) qui ne tourne pour l'heure qu'à CBC Radio. Et Andrea va continuer d'apprendre le français, elle a un bon professeur, et dans deux, trois ans, Scarlett Jane enregistrera un premier disque en français. Peut-être un «E.P.» comme Lisa. Succès assuré là aussi.