Ceux qui ont déjà vu Piers Faccini en concert ne seront pas étonnés par le ton très intimiste de son cinquième album Between Dogs and Wolves. Un disque en mode voix et guitare acoustique, sans batterie ni percussions, mais avec des petites touches de piano, de dulcimer, de kora, de xylophone ou de balafon.

Between Dogs and Wolves est un album de crépuscule, de fin de journée, explique au téléphone l'artiste aux racines italiennes, né en Angleterre et installé avec sa petite famille dans les Cévennes. D'où le titre en forme de traduction amusante de l'expression française entre chien et loup. «Ce disque, si tu le mets en background, il n'y a rien qui passe, il est perdu, explique Faccini. C'est comme une conversation chuchotée et si tu ne prêtes pas attention, tu as l'impression que tu n'as rien compris et que le gars était en train de te raconter n'importe quoi.»

Cet album, qui paraîtra le 10 septembre, n'a pas été pour autant plus facile à réaliser que le précédent My Wilderness, un carnet de voyage au carrefour d'influences musicales multiples: folk anglais, blues américain, musique napolitaine, des Balkans ou de l'Afrique de l'Ouest. «C'est plus compliqué parce que, comme en concert guitare-voix, on n'a pas l'avantage d'avoir trois ou quatre musiciens derrière pour changer soudainement d'ambiance, de couleur, de territoire, de géographie. Mais depuis le temps où je faisais de la peinture, j'ai toujours aimé l'expression anglaise poverty of means, l'idée qu'avec très peu on peut faire énormément. Alors je me suis mis à construire de petits arrangements, une sorte de broderie que j'ai tapissée petit à petit chez moi, dans mon studio. Je pourrais dire tiens, je veux de la kora, je vais inviter tel ou tel, je veux du violon, je vais inviter tel ou tel, je veux un piano... mais je préfère faire mes trucs tout simples, tout bêtes qui, quand je les mets tous ensemble, me donnent l'impression d'avoir créé ma couleur, mon oeuvre.»

Faccini a réduit sa palette pour donner une unité de son à cet album qu'il voit comme un roman avec 10 chapitres différents. «Les gens qui m'aiment bien pour des morceaux plus rythmiques comme A Storm Is Gonna Come, Dreamer ou If I vont peut-être dire: «c'est moins mon truc» ou encore «c'est un truc que je vais écouter le soir avant de dormir». Ça aussi c'est très bien parce que j'essaie de ne jamais écrire le même album, la même chanson. C'est le piège dans lequel nous tombons très souvent, nous, les artistes et les songwriters, parce que c'est difficile d'écrire pendant 10 ans ou 15 ans, album après album, de nouvelles couleurs, de nouvelles compositions qui changent d'une fois à l'autre. Parmi les gens qui connaissent ma musique, il n'y a pas un album qui domine et ça me rend particulièrement heureux.»

En français

Between Dogs and Wolves est aussi un «genre de retour à la maison» pour Faccini: «C'est comme quelqu'un qui, très jeune, a toujours été attiré par les musiques du monde et qui part de chez lui fait un grand voyage et quand il revient, il se rend compte qu'il y avait déjà de la musique extraordinaire à la maison. Il y a une partie de moi qui vient de chansons [folk] que j'adore d'Anne Briggs, June Tabor, Sandy Denny, Bert Jansch et, bien sûr, Nick Drake. De tous mes albums, c'est celui qui porte le plus ce genre de couleurs du début à la fin.»

Ce disque intime aura aussi été l'occasion pour Piers Faccini d'enregistrer ses premières compositions en français (Reste la marée) et en italien (Il cammino). L'immersion dans la créolité lors d'un voyage à La Réunion lui a permis d'assumer son propre métissage.

«Je me suis dit: wow! ce n'est pas nécessaire d'être un Français pour écrire en français. J'habite en France depuis 10 ans, j'y ai passé quelques années dans mon enfance et je parle couramment le français. Je suis d'origine italienne et ma femme est napolitaine. J'ai une curiosité pour la musicalité des langues et j'ai fini par me dire: il faut que j'arrive à faire un album où je vais chanter en français et on ne s'en rendra presque pas compte.»

À Montréal

Piers Faccini viendra présenter les chansons de ce nouvel album au Club Soda le 21 février prochain dans le cadre de Montréal en lumière. Bonne nouvelle, il s'agira d'un concert commun avec son amie d'origine brésilienne Dom La Nena qui vit elle aussi en France et dont il a réalisé le très beau premier album, Ela: «C'est une bonne idée de présenter nos deux albums en même temps puisqu'on peut s'accompagner l'un l'autre. Et je fais tout pour que le percussionniste Simon Prattico puisse venir aussi.»

Faccini mettra également en vente sur son site web, en septembre, le livre-CD en édition reliée pleine toile Songs I Love, tiré à 400 exemplaires et qui comprend 17 reprises de chansons de Leonard Cohen, Lhasa, Bruce Springsteen et autres Dylan, aussi bien que la chanson traditionnelle À la claire fontaine. Ces chansons que l'on peut télécharger gratuitement depuis le site piersfaccini.com ont été réenregistrées et rematricées.

Faccini vient également de boucler l'enregistrement d'un autre album avec son ami violoncelliste Vincent Segal qui paraîtra en 2014: «Cet album raconte un peu notre histoire musicale, notre amitié, parce qu'on se connaît depuis 25 ans. J'avais 18 ans, j'étais aux Beaux-Arts et je l'ai rencontré dans une fête. J'ai pris ma guitare, lui son violoncelle et on a commencé à bosser ensemble. Vincent m'a appris beaucoup en musique. Il y aura sur ce disque des compositions qu'on a faites ensemble, des trucs à moi et aussi des reprises qu'on a en commun.»

FOLK

PIERS FACCINI

BETWEEN DOGS AND WOLVES

BEATING DRUM/SIX DEGREES

En magasin le 10 septembre

Piers Faccini et Dom La Nena, au Club Soda, le 21 février 2014

Illustration fournie par l'artiste

Couverture de l'album Between Dogs and Wolves.