Lorsque son muscle cardiaque a lâché, le pianiste, compositeur et leader était en route pour son rendez-vous de routine chez le cardiologue accompagné de son fils Darius, a indiqué son agent Russell Gloyd à différents médias américains. Mort ce mercredi à Norwalk, au Connecticut, soit à la veille de son 92e anniversaire, le très célèbre jazzman Dave Brubeck laisse derrière lui un legs considérable.



Si ce n'est que pour ses pièces créées dans les années 50, il brillera toujours au firmament du jazz moderne. Conformément aux profils biographiques lui étant consacrés, et à une appréciation toute montréalaise, remémorons-nous les grandes étapes de sa trajectoire.

Au terme de son service militaire durant la Seconde Guerre mondiale, le Californien d'origine compléta ses études de musique au Mills College à Oakland, institution de réputation avant-gardiste où il ouvrit ses horizons. Auprès du compositeur Darius Milhaud, le jeune Brubeck y perfectionna ses notions de composition et d'orchestration, ce qui le mena à imaginer une synthèse très personnelle du jazz moderne et de la musique contemporaine de tradition européenne. Durant cette même période, il put même suivre deux classes de maître avec le compositeur visionnaire Arnold Schoenberg.

Installé dans la Bay Area où il fut un des artistes pionniers du label Fantasy, il fondait en 1951 le fameux Dave Brubeck Quartet. L'ensemble était alors formé du saxophoniste (alto) Paul Desmond, qu'il fréquentait depuis les années 40, ainsi que du batteur Joe Dodge et du contrebassiste Bob Bates.

Ainsi s'amorçait la décennie la plus créative et la plus brillante de son parcours musical. Une longue résidence au club Black Hawk de San Francisco permit à son ensemble de poser les bases d'un style aujourd'hui identifiable par les jazzophiles de tous niveaux. Son pouvoir d'influence se fit sentir rapidement: en 1954, le buzz à son endroit était tellement fort qu'il fit la Une du Time Magazine.

Au cours des années qui suivirent, la section rythmique de son quartette fut quelques fois remplacée: Joe Morello, batterie, Norman Bates et Eugene Wright, contrebasse. Ce dernier fit partie du quartette «classique» de Brubeck, aux côtés de Desmond et Morello; en 1959, cet ensemble enregistra Time Out, album historique sous étiquette Columbia, soit l'un des plus vendus de toute l'histoire du jazz. La mise de l'avant de rythmes inhabituels (5/4 pour Take Five, une composition de Paul Desmond, et 9/8 pour Blue Rondo a la Turk) propulsa le quartette de Dave Brubeck au firmament des plus grands réformateurs de cette époque. Après quoi la contribution créative du leader s'est relativement stabilisée, et sa technique pianistique est toujours restée plutôt limitée. Sa réputation, elle, n'a jamais cessé de grandir.

Durant les années 60, le musicien poursuivit avec son groupe l'expérimentation jazzistique de nouveaux patterns rythmiques et d'harmonisations inspirées de la musique contemporaine de tradition européenne. Parallèlement, Brubeck écrivit pour le théâtre musical, le cinéma et la télévision, tout en s'inspirant de ses voyages à l'étranger pour créer les nouvelles musiques de son ensemble. Après la dissolution du quartette, il créa du jazz pour la musique de chambre et le chant choral. Converti au catholicisme, il composa la Mass to Hope au tournant des années 80.

Au milieu de la décennie précédente, le pianiste commençait à tourner avec plusieurs de ses fils sous la bannière Two Generations of Brubeck: Dan, batterie, Darius, claviers, Chris, basse, Matthew, violoncelle. C'est à cette époque précise que les jeunes producteurs montréalais Alain Simard et André Ménard amorcèrent leur relation professionnelle avec Dave Brubeck.

«Avant la création du Festival International de Jazz de Montréal, nous l'avions présenté alors au Théâtre St-Denis. Puis nous l'avions produit en région. À sa demande, j'avais alors connecté un téléviseur noir et blanc dans la voiture. Dave s'est toujours souvenu des Séries Mondiales visionnées dans ce véhicule!» se rappelle André Ménard, joint une heure après l'annonce du décès. Sincèrement attristé par cette disparition, le directeur artistique du FIJM était à écouter un standard de Brubeck, In You Own Sweet Way.

Il faut dire que Ménard et son collègue Simard ont entretenu des rapports privilégiés avec le jazzman américain.

«Nous l'avons produit près d'une vingtaine de fois. Je me souviens encore de celle de 1981, alors qu'il était resté pris dans le trafic de la Carifête en se rendant à l'Expo Théâtre où il devait jouer. Je me souviens aussi du concert présenté en 1987 avec grand orchestre (Montreal Jazz Festival Orchestra pour l'occasion) qui fut enregistré pour l'album New Wine. Ou encore de sa messe jazz qu'il présenta à la Place des Arts en 1991... l'église Notre-Dame avait refusé de le produire! Stéphane Grappelli avait d'ailleurs assisté à ce concert.

«En 2008, poursuit André Ménard, nous avions présenté deux programmes spéciaux au Théâtre Jean-Duceppe, au terme desquels il avait consenti à offrir trois pièces jouées en solo. Ce qu'il n'avait pas fait depuis ses lointaines années d'étudiant!

«Lorsque l'un de ses fils (non musicien) est décédé en 2009, il était à Montréal et avait quand même honoré ses engagements. En sortant de scène, il nous avait fait l'accolade en soupirant: «That was a tough one!». Le célèbre photographe Herman Leonard, qui ne l'avait jamais rencontré, aussi étrange que cela puisse paraître, avait réussi son portrait dans sa loge. Lorsque, par ailleurs, nous lui avons décerné le Prix Miles-Davis en 2010, nous fûmes étonnés d'apprendre qu'il avait jadis tissé des liens d'amitié avec Miles, qu'il accueillait chez lui lorsque le trompettiste débarquait sur la Côte Ouest.»

Au FIJM, souligne en outre son directeur artistique, Dave Brubeck était le seul artiste jouissant d'une invitation ouverte et permanente.

«C'est lui qui nous disait s'il venait ou non. Jamais, d'ailleurs, nous n'avons eu le moindre problème avec lui. Il était un homme délicat, attentionné, très cultivé. Aux antipodes de la diva! Je n'utilise à peu près jamais le mot ami pour désigner les artistes produits par notre organisation mais, dans son cas, c'était vrai. Il y a des symboles qui sont plus forts que le temps et, sans ce lien avec Dave Brubeck, il n'y aurait peut-être jamais eu de Festival International de Jazz de Montréal.»

Durant les années 60, le musicien poursuivit l'expérimentation jazzistique de nouveaux pattern rythmiques et d'harmonisations inspirées de la musique contemporaine de tradition européenne. Parallèlement, Brubeck écrivit pour le théâtre musical, le cinéma et la télévision, tout en s'inspirant de ses voyages à l'étranger pour créer les nouvelles musiques de son ensemble. Après la dissolution du quartette, il créa du jazz pour la musique de chambre et le chant choral. Converti au catholicisme, il composa sa Mass to Hope au tournant des années 80.

Au milieu de la décennie précédente, le pianiste commençait à tourner avec plusieurs de ses fils sous la bannière Two Generations of Brubeck: Dan, batterie, Darius, claviers, Chris, basse, Matthew, violoncelle. C'est à cette époque précise que les jeunes producteurs montréalais Alain Simard et André Ménard amorcèrent leur relation professionnelle avec Dave Brubeck.

«Avant la création du Festival International de Jazz de Montréal, nous l'avions présenté alors au Théâtre St-Denis. Puis nous l'avions même produit en région. À sa demande, j'avais alors connecté un téléviseur noir et blanc dans la voiture. Dave s'est toujours souvenu des Séries Mondiales visionné dans ce véhicule!» se rappelle André Ménard, joint une heure après l'annonce du décès. Sincèrement attristé par cette disparition, le directeur artistique du FIJM était à écouter un standard de Brubeck, In You Own Sweet Way.

Il faut dire que Ménard et son collègue Simard ont entretenu des rapports privilégiés avec le jazzman américain.

«Nous l'avons produit près d'une vingtaine de fois. Je me souviens encore de celle, en 1981, alors qu'il était resté pris dans le trafic de la Carifête en se rendant à l'Expo Théâtre où il devait jouer. Je me souviens aussi du concert présenté en 1987 avec grand orchestre (Montreal Jazz Festival Orchestra pour l'occasion) qui fut enregistré pour l'album New Wine. Ou encore de sa messe jazz qu'il présenta à la Place des Arts en 1991... l'église Notre-Dame avait refusé de le produire! Stéphane Grappelli avait d'ailleurs assisté à ce concert.»

«En 2008, poursuit André Ménard, nous avions présenté deux programmes spéciaux au Théâtre Jean-Duceppe -, au terme desquels il avait consenti à offrir trois pièces jouées en solos. Ce qu'il n'avait pas fait depuis ses lointaines années d'étudiant !

«Lorsque l'un de ses fils (non musicien) est décédé en 2009, il était à Montréal et avait quand même honoré ses engagements. En sortant de scène, il nous avait fait l'accolade en soupirant : «that was a tough one!»  

Le célèbre photographe Herman Leonard, qui ne l'avait jamais rencontré aussi étrange que cela puisse paraître, avait réussi son portrait dans sa loge. Lorsque, par ailleurs, nous lui avons décerné le Prix Miles-Davis , nous fumes étonnés d'apprendre qu'il avait jadis tissé des liens d'amitié avec Miles, qu'il accueillait chez lui lorsque le trompettiste débarquait sur la Côte Ouest.»

Au FIJM, souligne également son directeur artistique, Dave Brubeck était le seul artiste jouissant d'une invitation ouverte et permanente.

«C'est lui qui nous disait s'il venait ou non. Jamais, d'ailleurs, nous n'avons eu le moindre problème avec lui. Il était un homme délicat, attentionné, très cultivé. Aux antipodes de la diva! Je n'utilise à peu près jamais le mot ami pour désigner les artistes produits par notre organisation mais... dans son cas, c'était vrai. Il y a des symboles qui sont plus forts que le temps et... Sans ce lien avec Dave Brubeck, il n'y aurait peut-être jamais eu de Festival International de Jazz de Montréal.»